5 octobre 1909, le premier numéro de La Vie Ouvrière : Une « revue d'action » pour l'émancipation de la classe ouvrière15/10/20092009Journal/medias/journalnumero/images/2009/10/une2150.jpg.445x577_q85_box-0%2C104%2C1383%2C1896_crop_detail.jpg

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5 octobre 1909, le premier numéro de La Vie Ouvrière : Une « revue d'action » pour l'émancipation de la classe ouvrière

Il y a un siècle, le 5 octobre 1909, paraissait le premier numéro d'une petite revue à couverture grise, La Vie Ouvrière. Cette publication bimensuelle, dont les principaux inspirateurs furent Pierre Monatte et Alphonse Merrheim, rejoints plus tard par Alfred Rosmer, allait paraître régulièrement jusqu'à la déclaration de guerre de 1914. Elle se voulait une « revue d'action » destinée aux militants ouvriers les plus combatifs : « Nous n'avons ni catéchisme ni sermon à offrir. Nous ne croyons même pas à la toute-puissance de l'éducation ; car nous croyons que la véritable éducatrice c'est l'action. »

Dans ses souvenirs, Monatte raconte que parmi les rédacteurs il y avait des militants du Parti Socialiste, des anarchistes. Mais la majorité consacrait « tout son temps et toute son activité au mouvement syndical ». Tous étaient « unis sur le terrain du syndicalisme révolutionnaire ». Et ils entendaient faire partager à leurs lecteurs leurs connaissances et leurs informations, afin que « l'action [ouvrière] gagnât en intensité et en ampleur ».

Assurer l'information des militants ouvriers

Monatte était déjà un militant expérimenté quand il lança la revue. Né en 1881, il était monté à Paris en 1902. En 1905, il avait accepté de remplacer Benoît Broutchoux, un militant anarcho-syndicaliste du Pas-de-Calais, à la tête de son journal L'Action syndicale, pendant que celui-ci purgeait une peine de prison. En 1906, Monatte avait été associé à la grève des mineurs qui suivit la catastrophe de Courrières. En 1907, il avait représenté le courant syndicaliste révolutionnaire de la CGT à un congrès anarchiste international. Il avait dû fuir en Suisse pour échapper à la prison en 1908, après la répression contre la CGT qui suivit les attaques du gouvernement Clemenceau contre les grévistes de Draveil, Villeneuve-Saint-Georges et Villeneuve-le-Roi.

Monatte était associé à la direction de la CGT, où ses qualités de rédacteur étaient appréciées. Au début de l'année 1909, il participa à la création d'un quotidien lancé par la CGT, La Révolution, dont le lancement mal préparé, humainement et financièrement, tourna vite au fiasco. C'est en tirant les leçons de cet échec que l'équipe qui allait donner naissance à La Vie Ouvrière envisagea d'abord de fournir aux militants ouvriers une série de brochures, puis finalement une revue.

Celle-ci voulait répondre à la situation de la classe ouvrière. D'un côté, l'équipe de La Vie Ouvrière constatait une radicalisation des travailleurs dans plusieurs branches, le bâtiment et les mines notamment, où les ouvriers combatifs écartaient les dirigeants réformistes trop routiniers. Mais en même temps les dirigeants révolutionnaires les plus anciens, comme Griffuelhes ou Pouget, baissaient les bras, d'où un certain désarroi. Monatte et les siens estimaient que le mouvement ouvrier était « d'autant plus puissant » que les militants « étaient mieux informés, connaissant bien leur milieu et les conditions de leur industrie, au courant des mouvements révolutionnaires étrangers, sachant quelles formes revêt et de quelles forces dispose l'organisation patronale ».

La Vie Ouvrière respecta ce contrat, y ajoutant des comptes-rendus des luttes marquantes, comme lors de la grève des cheminots d'octobre 1910, abordant aussi des questions peu discutées dans la presse syndicale, comme la situation des ouvrières. La revue mettait en tout cas un point d'honneur à décrire la situation de la classe ouvrière, ses forces et ses faiblesses, sans bluff ni fanfaronnade.

« L'intelligence ouvrière » de la revue

Pour assurer une publication régulière, il fallait gagner des abonnés. Elle finit par en réunir deux mille, une réussite pour une revue militante de cette époque. L'un d'eux, l'écrivain-poète Marcel Martinet, fit l'éloge de la revue : « Par son sérieux, sa probité, sa force, son amplitude, son intelligence ouvrière et humaine, la petite revue a été une oeuvre extraordinaire et que rien, de loin, n'a égalé dans le mouvement ouvrier. (...) Elle m'a instruit, fortifié et libéré. »

Ce sérieux et cette probité devaient beaucoup à la personnalité de Pierre Monatte. Ils portèrent d'autres fruits. L'équipe de La Vie Ouvrière fut le seul groupe de militants ouvriers à ne pas sombrer dans le chauvinisme lors de la guerre de 1914-1918, et à ne pas être désorienté par l'effondrement de la social-démocratie et de la direction de la CGT. Ils furent aussi les premiers à soutenir la révolution russe. Trotsky les avait fréquentés à Paris en 1915 et les bolcheviks appréciaient beaucoup qu'ils n'aient pas cédé au déchaînement patriotique qui accompagna l'entrée en guerre en 1914.

La Vie Ouvrière devait reparaître comme hebdomadaire après la Première Guerre mondiale, mais bientôt la bureaucratisation du Parti Communiste, que Pierre Monatte et Alfred Rosmer avaient rejoint, allait conduire à leur exclusion en 1924. Rosmer resta communiste et participa aux premiers pas du mouvement trotskyste, mais Monatte retourna à ses orientations syndicalistes, lançant en 1925 la revue La Révolution prolétarienne, puisque le titre La Vie Ouvrière restait la propriété de la CGT.

La Vie Ouvrière existe encore aujourd'hui, elle se survit sous le titre énigmatique de NVO (les initiales de Nouvelle Vie Ouvrière). Elle reste le magazine hebdomadaire de la CGT, mais il y a bien longtemps que la révolution prolétarienne n'est plus dans ses objectifs.

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