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- Lutte ouvrière n°2156
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Editorial
Identité nationale ou conscience de classe ?
Pendant que la vie devient de plus en plus dure pour les classes populaires, pendant que les licenciements, les suppressions d'emplois se multiplient et que le nombre de chômeurs s'envole, Sarkozy et son gouvernement essaient d'amuser la galerie en demandant à chaque préfet d'organiser un débat sur l'« identité nationale ». Une campagne aussi stupide que crasseuse, mais pas gratuite. Elle est destinée, à l'approche des élections régionales, à la frange de l'électorat de droite que Sarkozy avait réussi à prendre à Le Pen lors de l'élection présidentielle de 2007 et qu'il voudrait bien garder.
Un électorat d'extrême droite pour qui tous les maux de ce pays, du chômage à l'insécurité en passant par la dégradation de l'enseignement, c'est la faute aux immigrés. Un électorat haineux vis-à-vis des étrangers. Mais, attention, pas vis-à-vis de tous les étrangers ! Vis-à-vis des étrangers pauvres, de ceux qui travaillent ou voudraient le faire. Sa haine des étrangers rejoint sa haine des pauvres, sa haine des travailleurs.
C'est à cet électorat-là que Sarkozy entend plaire en le caressant dans le sens de ses préjugés les plus stupides et en faisant donner pour cela le ministricule Besson, ancien dirigeant du Parti Socialiste qui a retourné sa veste pour aller à la soupe.
Tous ces ministres, comme les préfets chargés d'organiser la campagne sur l'« identité nationale », savent évidemment qu'une bonne partie de la population est composée d'immigrés de la deuxième, de la troisième génération ou plus. Et ceux qui n'ont pas un grand-parent ou un arrière-grand-parent venu d'Espagne, d'Italie, de Pologne, en ont qui étaient des immigrés de Bretagne, du Pays basque ou d'Auvergne, aussi rejetés par les Besson et les Hortefeux de leur époque que le sont aujourd'hui ceux qui viennent du Maghreb ou d'Afrique noire.
Et surtout ils savent tous que les chaînes de bien des usines d'automobiles ne tourneraient pas sans le travail des ouvriers immigrés, pas plus que ne se construiraient les immeubles ou les routes. Ils savent que les soutiers de l'économie, ceux qui font la plonge dans les restaurants, ceux qui nettoient, creusent, bâtissent, sont bien souvent des travailleurs immigrés et, parmi eux, ceux qui n'ont même pas de papiers parce que les autorités refusent de leur en accorder.
Cinq mille de ces travailleurs sans papiers sont en ce moment en grève pour obtenir ce droit pourtant élémentaire qui est celui de ne pas subir, en plus de l'exploitation par leur patron, les contrôles policiers qui peuvent chaque fois se traduire par un renvoi dans leur pays d'origine.
Le ministre du Travail Darcos, pour avoir l'air d'un dur, vient de déclarer qu'il va fermer les entreprises qui emploient de la main-d'oeuvre sans papiers. Il aurait fort à faire car il n'y a pas seulement les petites entreprises qui font leur profit en employant une main-d'oeuvre corvéable à merci car sans papiers, mais aussi de grandes sociétés du bâtiment et des travaux publics, dont Bouygues, ce grand ami de Sarkozy.
Bien sûr, les travailleurs sans papiers doivent être tous régularisés. Mais, pour nous, les travailleurs, il s'agit bien plus que d'une simple solidarité.
Face aux attaques du grand patronat et du gouvernement, décuplées en cette période de crise, les travailleurs n'ont à opposer que leur nombre, que leur place indispensable dans la production.
La classe ouvrière de ce pays est composée de femmes et d'hommes d'une multitude d'origines. Tout ce qui dresse les travailleurs les uns contre les autres en fonction de leur origine ou de leur nationalité nous affaiblit. Et ceux qui font de la démagogie sur ces questions sont nos pires ennemis.
Alors, identité nationale ? Mais quoi de commun entre le grand patron licencieur et le travailleur licencié ? Quoi de commun entre les banquiers arrosés de milliards avec l'argent volé aux services publics et les chômeurs poussés à la pauvreté ?
Que ceux qui nous exploitent et leurs serviteurs au gouvernement parlent d'identité nationale, c'est dans l'ordre des choses. Ils cherchent non seulement à ce que les travailleurs acceptent leur esclavage salarial mais qu'en plus ils se sentent solidaires de ceux qui les réduisent en esclavage.
À l'identité nationale, les travailleurs ont à opposer leur identité d'exploités, leur conscience de classe !
Arlette LAGUILLER
Éditorial des bulletins d'entreprise du 23 novembre