« La Poste crée des "inaptes" physiques et psychologiques ». Ce sont là les termes d'un courrier adressé par le syndicat des médecins de prévention de La Poste au président de la société. Les médecins y dénoncent l'aggravation des conditions de travail dont sont victimes les postiers, et n'hésitent pas à mettre la direction devant ses responsabilités. À leur manière, ils témoignent ainsi du bien-fondé des grèves qui éclatent presque chaque semaine, dans un bureau ou un autre, pour résister à cette situation inhumaine, conséquence du plan de réduction d'effectifs engagé depuis des années.

Les médecins dénoncent ainsi « les dépassements des horaires de travail non rémunérés qui sont quotidiens, les amplitudes maximales de travail qui sont régulièrement dépassées ». Au fil des restructurations qui se succèdent maintenant tous les deux ou trois ans, les bureaux ont vu leurs effectifs fondre comme neige au soleil. Les facteurs sont parfois deux fois moins nombreux qu'il y a quelques années pour porter les lettres. Mais qu'importe à la direction : elle impose de distribuer tout le courrier, et menace de sanction ceux qui en rapporteraient au bureau une fois leur horaire terminé. De plus en plus de facteurs finissent donc après l'heure, en particulier ceux qui doivent « rouler » sur plusieurs quartiers qu'ils ne connaissent pas, pour boucher les trous.

« Les organisations de travail sont de plus en plus en décalage avec la réalité du travail sur le terrain », dit le rapport. C'est vrai dans tous les secteurs. Des grèves ont ainsi lieu aux guichets contre une réorganisation qui, outre les réductions de personnel, impose aux guichetiers des horaires invraisemblables, avec des coupures de plusieurs heures qui augmentent d'autant l'amplitude de la journée de travail. Autre conséquence du manque de personnel pointé par les médecins : « Faute de moyens de remplacement, les agents n'arrivent plus à obtenir des congés à des dates permettant de les partager avec leurs proches .»

Et puis il y a tous ceux que la direction, à chaque restructuration, voudrait obliger à partir n'importe où : « Une pression s'exerce sur eux pour les inciter à partir de façon anticipée en retraite, à l'externe (c'est-à-dire ailleurs qu'à La Poste) ou sur des mobilités géographiques imposées. » La lettre dénonce aussi « la très forte pression commerciale individuelle et quotidienne exercée sur les guichetiers, sans formation ». Ce n'est pas qu'une formule. En mars dernier, le directeur de La Poste de Paris Sud avait envoyé à ses directeurs de vente un courrier réclamant « l'extermination des vendeurs à 0 ». C'est dire le climat que s'emploie à faire régner la direction en la matière.

Dans leur lettre, les médecins du travail montrent ainsi comment La Poste pourrit la vie de ses salariés, avec des conséquences qui peuvent aller jusqu'à les acculer au désespoir et au suicide. Ils signalent au passage les pressions qu'ils subissent eux-mêmes de la part de la direction pour devenir complices de cette politique inhumaine : « L'indépendance du médecin du travail n'est plus assurée à La Poste », « certains médecins ont à supporter des pressions inadmissibles de la part de dirigeants que nous jugeons irresponsables. » Avoir pour seul horizon les bénéfices à réaliser à tout prix est effectivement une forme d'irresponsabilité.