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Leur société
Zone euro : BCE et États au secours des banquiers
Face au développement des attaques spéculatives contre un certain nombre d'États de la zone euro, Jean-Claude Trichet, président de la Banque centrale européenne a annoncé, le 2 décembre, qu'il allait recourir à nouveau, comme au moment de la crise de la dette de l'État grec, à un certain nombre de mesures anticrise dites « exceptionnelles ».
Les 85 milliards d'euros de prêts consentis - ou plutôt imposés - à l'Irlande par le FMI et par les gouvernements européens, le 28 novembre, n'ont en effet pas désarmé la spéculation. Non seulement les taux d'intérêt des emprunts exigés de l'État irlandais, qui avaient atteint des records, n'ont pas diminué, mais ceux du Portugal surtout et de l'Espagne commençaient aussi à monter, signe que les spéculateurs élargissaient leur cible.
Pour tenter de décourager les spéculateurs, la BCE a donc annoncé qu'elle procédait à des achats massifs d'obligations de l'Irlande et du Portugal. À la suite de cette intervention de la BCE, la pression de la spéculation s'est relâchée et les taux d'intérêt des emprunts de l'Irlande, du Portugal sont repartis à la baisse. C'était le but. Jean-Claude Trichet, le président de la BCE, a pu se vanter d'avoir « apaisé les marchés », mais pas pour longtemps puisque, dès le 6 décembre, la spéculation reprenait de plus belle, et le coût des emprunts irlandais et portugais repartait à la hausse. Le match entre les marchés, c'est-à-dire les banquiers spéculateurs d'un côté, la BCE et les États de la zone euro de l'autre, continuait donc. Pour le plus grand profit des banquiers.
En rachetant à coup de milliards d'euros les obligations des États financièrement en difficulté de la zone euro - hier la Grèce, aujourd'hui l'Irlande et le Portugal - pour les protéger de la faillite, ce n'est pas aux États que la BCE et, à travers elle, les gouvernements européens sauvent la mise : c'est bien aux banques européennes. Ce sont en effet des banques allemandes, britanniques et françaises qui sont les principales créancières de ces États. D'après des estimations citées par la presse, les banques françaises par exemple détiendraient, à elles seules, 538 milliards d'euros d'obligations des États européens attaqués par la spéculation, Grèce, Irlande, Portugal, Espagne et Italie.
Ce sont ces mêmes grandes banques qui sont appelées à la rescousse par les gouvernements européens pour prêter aux États en difficulté. D'après la presse, elles ont exigé de la Grèce un intérêt de 5,2 % pour les milliards qu'elles lui ont prêtés, et de l'Irlande un intérêt de 5,8 %. Ce n'est pas de l'aide, c'est du pillage.
Les banques en question font ainsi payer à la Grèce et à l'Irlande ce qu'elles appellent « le prix du risque ». Elles ne courent pourtant aucun risque. Si l'État irlandais - ou grec - ne pouvait plus ou ne voulait plus payer, les États - c'est-à-dire les contribuables, les travailleurs, les retraités, etc - européens paieraient. Les gouvernements européens s'y sont expressément engagés, au moins pour toutes les obligations souscrites jusqu'en 2013.
En outre, il faut savoir que l'argent que les grandes banques européennes prêtent aux États européens ne leur coûte pas cher. La BCE vient en effet d'annoncer - et ce n'est évidemment pas un hasard - que, contrairement à ce qu'elle avait laissé entendre, elle continuera à fournir des liquidités aux banques, pour des montants illimités, au moins jusqu'à la fin du premier trimestre 2011, à un taux d'intérêt qui sera maintenu, jusqu'à nouvel ordre, à... 1 %. Les États, eux, n'ont pas accès à cette source de financement à bon marché : ils doivent en passer par les banques ! Et c'est pour pouvoir payer les intérêts demandés par les banques, qu'ils rançonnent leurs populations.
Dans la crise financière qu'ils ont provoquée, et qu'ils entretiennent, les banquiers gagnent sur tous les tableaux.