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- Lutte ouvrière n°2217
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Dans les entreprises
La Poste : Comment la direction fait craquer ses salariés.
La transformation accélérée de La Poste en une société rentable selon les critères du secteur privé s'accompagne d'une dégradation brutale des conditions de travail. En même temps que les emplois sont supprimés par dizaines de milliers, la direction a mis en place une politique visant à faire pression sur les postiers par tous les moyens. Le résultat est parfois dramatique, comme l'illustre le suicide d'un agent du bureau de Vitrolles, dans les Bouches-du-Rhône.
Un rapport de la Cour des comptes publié cet été à propos des objectifs de La Poste pour 2015 précisait : « Ce scénario (de privatisation) implique de placer l'entreprise sous une forte tension. » C'est ce que fait La Poste, quitte à faire craquer les plus faibles.
Pour les facteurs par exemple, les suppressions de postes qu'ils subissent pratiquement tous les deux ou trois ans ont signifié l'augmentation du courrier à emporter. Pour beaucoup, il est maintenant impossible de finir leur tournée à l'horaire prévu. Les directeurs usent de tous les moyens de pression pour que les facteurs terminent la distribution, quitte à ce qu'ils fassent des heures supplémentaires non payées. Et à ceux qui refusent, comme ils en auraient le droit, la direction tente de faire croire que s'ils n'y arrivent pas, c'est peut-être qu'ils sont « inaptes » à ce métier. C'est précisément ce que dénonçaient au mois de juin les médecins de prévention de La Poste dans une lettre à la direction : « Les dépassements des horaires de travail non rémunérés sont quotidiens et les amplitudes maximales de travail sont régulièrement dépassées. »
Pour les commerciaux, c'est la course permanente aux résultats. Si l'on n'atteint pas les objectifs, il faudrait changer de métier, entend-on dire ! Au mois d'avril 2010, le directeur des Postes de Paris Sud avait envoyé un fax à ses directeurs de vente expliquant : « La chasse est ouverte ! La semaine prochaine on se focalisera sur l'extermination des vendeurs à zéro. » Cette formule caractérise l'état d'esprit qu'elle tente d'insuffler à ses cadres.
Un tout récent reportage de Canal Plus, largement commenté dans les bureaux de poste, montrait comment la direction apprend à ses cadres à classer les postiers en quatre catégories. Malheur à ceux qui font partie des deux dernières : les « hérissons, qui posent des problèmes de discipline et sabotent le travail volontairement ou involontairement » et les « paillassons, qui n'ont aucune initiative et se posent en victimes ». Avec une telle formation, chaque chef de centre a les yeux fixés sur la courbe des suppressions d'emplois. Chaque postier un peu trop souvent malade, un peu trop lent, ayant un problème personnel qui l'oblige à prendre des congés devient une cible, un poste à supprimer. Dans ces conditions, quoi d'étonnant à ce que les plus fragiles finissent par craquer, parfois de façon tragique ? La Poste les sacrifie en toute connaissance de cause à ses objectifs de rentabilité.