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Grande Bretagne : Les leaders syndicaux mobilisent à reculons
Si, le 26 mars, les travailleurs ont ainsi répondu massivement présent à l'appel des leaders syndicaux, ce n'est pas grâce à leur politique. Car depuis que la crise a frappé, dès 2007, ces leaders ont surtout donné leur aval tant aux suppressions d'emplois qu'aux réductions de salaires, au nom de la défense de l'économie britannique - c'est-à-dire des profits patronaux.
La seule initiative qu'ils n'aient jamais prise, au-delà du terrain local durant cette période, a été de convier les militants syndicaux de l'automobile à une « manifestation nationale » pour revendiquer une aide étatique aux trusts du secteur. À cette occasion, on avait vu les leaders syndicaux se féliciter de manifester au coude à coude avec... d'anciens responsables du CBI, le Medef britannique. C'est tout dire !
Hormis cela, le TUC a brillé par son silence. Tant que les Travaillistes étaient au pouvoir, il n'était de toute façon pas question de s'opposer à leur politique antiouvrière. Mais même une fois les Travaillistes retournés dans l'opposition, le TUC a gardé son ton mesuré, pariant sur un éclatement de la coalition au pouvoir des Conservateurs et des Libéraux-Démocrates, qui aurait conduit ces derniers à s'associer aux Travaillistes et former une nouvelle majorité.
Moyennant quoi, à son congrès de septembre dernier, le TUC avait bien annoncé une campagne de « désobéissance civile » contre la politique de Cameron (mais rien contre celle du patronat), tout en la limitant par avance à des manifestations locales visant à « faire pression » sur les députés libéraux-démocrates. La mobilisation nationale n'avait été annoncée que pour le 26 mars, pour « laisser à l'opinion le temps de juger des dégâts résultant des mesures de Cameron », disait le TUC, et jusqu'en janvier, rien ne fut fait pour populariser cette perspective.
La coalition au pouvoir ayant ignoré les avances du TUC en vue d'une « grande négociation », celui-ci s'est résolu à traduire la perspective du 26 mars en actes. Mais du coup, cette échéance est devenue, entre autres, la justification des appareils syndicaux auprès des quelque 150 000 travailleurs municipaux à qui on annonçait leur licenciement prochain, pour ne rien proposer d'autre pour s'y opposer.
La préparation de cette mobilisation a été marquée par des choix bien précis. Si les appareils syndicaux ont été mobilisés dans le secteur public, cela n'a pas été le cas dans le privé. C'est ainsi que dans la plus grande usine automobile du sud du pays, à Ford-Dagenham, l'appareil syndical local, pourtant au bord d'une grève sur les retraites, n'a rien fait pour annoncer la journée du 26 - et encore moins pour y organiser un cortège. En fait, la plupart des travailleurs du secteur privé qui ont manifesté, et il y en avait, souvent en groupes, l'ont fait de leur propre initiative.
Mais surtout, c'est la perspective donnée à cette mobilisation par les leaders syndicaux qui marque les limites qu'ils lui fixent. Ils l'ont intitulée « marche pour l'alternative » et, par « alternative », ils entendent un véritable programme de gouvernement, qui reconnaît, comme l'ont répété la plupart des orateurs lors du meeting final, la « nécessité de réduire le déficit », mais « en répartissant les sacrifices de façon plus égalitaire ». Pas question donc d'écorner les profits de la bourgeoisie !
En fait, c'est ni plus ni moins du programme du Parti Travailliste qu'il s'agit, programme que son nouveau leader, Ed Milliband, est venu exposer à ce même meeting. Comme si le même parti n'avait pas largement montré sa servilité à l'égard du grand capital en se portant à son secours et en présentant la note aux travailleurs ! Et la mobilisation ouvrière aurait dû servir de tremplin à ce même parti ? Pas étonnant que Milliband ait essuyé les sifflets d'une partie de l'auditoire !