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- Lutte ouvrière n°2230
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Dans les entreprises
Toyota - Onnaing (Nord) : Après la grève, ce n'est plus comme avant
Après douze jours, les grévistes de Toyota ont suspendu leur mouvement qu'ils menaient pour une prime de 800 euros et un treizième mois de salaire. Ils sont rentrés au travail lundi 18 avril, avant le chômage technique du jeudi 21 avril au lundi 2 mai.
Dès la reprise, la direction annonçait une nouvelle semaine de chômage pour chaque équipe. Toutes ces semaines de chômage seront payées à 95 % du salaire net, sans contrepartie de jours de travail à rendre. Après des mois et des années à travailler à des rythmes et des horaires difficilement supportables, même pour des jeunes, ce repos n'est pas mal vu. Mais beaucoup d'ouvriers auraient préféré que les cadences soient ralenties et que tout le monde travaille.
Dans les ateliers, à la reprise du travail, l'ambiance était très bonne, y compris entre grévistes et non-grévistes. Des agents de maîtrise continuaient à montrer leur sympathie avec les grévistes... et les autres se faisaient oublier. Les grévistes craignent que leur dispersion avec le chômage ne permette pas de faire pression pour l'étalement des retenues pour jours de grève comme il y a deux ans, pourtant on n'a pas entendu : « On a perdu de l'argent pour rien »... Plusieurs disent même : « Il faut préparer la troisième grève, choisir le bon moment, mettre du fric de côté », et c'est approuvé. Mardi 19 avril, 60 grévistes ont interpellé deux directeurs des ressources humaines sur l'étalement des retenues... Presque tout le monde a pris la parole pour dire leurs quatre vérités aux deux directeurs, habituellement très méprisants. Cela a duré presque une heure... et personne n'était pressé de reprendre le travail. Mais pour le moment la direction donne des réponses dilatoires.
Des directeurs et des responsables d'atelier cherchaient à discuter « tranquillement » avec des délégués, mais aussitôt des ouvriers qui pouvaient arrêter leur travail se joignaient aux discussions, ce qui a beaucoup troublé ces hauts cadres qui pensaient que la reprise sans victoire allait démoraliser les travailleurs et mettre les délégués et les dirigeants de la grève en difficulté. Mais c'est raté.
Sur une ligne, alors que les 25 travailleurs protestaient contre 40 minutes supplémentaires imposées en fin d'équipe, toute la ligne s'est réunie et il y avait une majorité pour les refuser. Mais les ex-non-grévistes - qui étaient parmi ceux qui protestaient le plus - ne se comptaient pas parmi ceux prêts à débrayer pour refuser. Alors les ex-grévistes ont décidé de continuer le travail en disant aux ex-non-grévistes qu'il faudra bien qu'ils se décident à s'y mettre un jour eux aussi, s'ils veulent obtenir quelque chose.
Mercredi 20 au matin, il n'a fallu qu'un débrayage de dix minutes sur une ligne pour qu'un ex-gréviste soit autorisé à sortir trois heures pour régler un problème personnel important à l'extérieur. L'après-midi, un autre débrayage de ligne a duré trente minutes pour obtenir des ventilateurs et climatiseurs, car la température montait avec le soleil.
Alors que des directeurs approchaient, des ouvriers d'autres lignes ont un peu avancé en bêlant : l'un des directeurs avait traité les grévistes de fainéants, lors d'une réunion de Comité d'établissement, et aussi de moutons... Ces directeurs ont gardé leurs distances.
Bien sûr, ce climat nouveau risque de ne durer qu'un temps. Comme le retour aux cadences infernales imposées après quelques heures de reprise. La direction et les chefs vont tenter de reprendre le dessus après les semaines de chômage et les réactions collectives risquent de devenir plus difficiles.
Cependant, des centaines de travailleurs ont conscience d'avoir quand même gagné beaucoup dans cette grève : gagné en cohésion. Toyota n'a pas cédé aux revendications, mais pour beaucoup ce n'est que partie remise.