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- Lutte ouvrière n°2238
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Editorial
La société est gravement malade, mais ce sont les banquiers qui sont soignés
Des manifestations importantes ont secoué deux bouts de l'Europe, la Grèce et l'Espagne. La population de ces deux pays, avec celle du Portugal et de l'Irlande, paie le tribut le plus élevé à la finance internationale.
Les banques brandissent le montant de la dette des pays qu'elles sont en train d'étrangler, en exigeant de leurs gouvernements qu'ils mènent une politique d'austérité. Elle consiste à obliger les classes exploitées à rembourser, avec intérêts, des dettes qu'elles n'ont pas faites et dont elles ne sont en rien responsables. Partout on réduit le nombre de travailleurs des services publics, partout on repousse l'âge de la retraite et on diminue le montant des pensions, partout on démolit le système de protection sociale.
Ces mesures d'austérité qui poussent les exploités vers le chômage et la misère ne suffisent pas aux marchés financiers : une douzaine de grandes banques qui gèrent l'argent de grandes entreprises et de grandes fortunes privées. Celles-ci, au lieu d'investir dans la production, trouvent plus rentable de placer leur argent en prêtant aux États, moyennant intérêts. Plus ces intérêts sont élevés, plus les États ont du mal à rembourser, plus ils sont obligés de recourir à de nouveaux prêts pour payer leurs échéances. Mais plus les États ont du mal à payer, plus les banques augmentent leurs intérêts en invoquant la crainte de ne pas être remboursées.
C'est un cercle vicieux, et c'est surtout un noeud coulant qui est en train d'étrangler en ce moment la Grèce. Mais elle n'est pas la seule. Le noeud coulant est déjà en place pour d'autres pays d'Europe et, peut-être, pour tous.
Les gouvernements français et allemand viennent de se mettre d'accord pour débloquer plusieurs milliards supplémentaires, en prétendant venir au secours de la Grèce. C'est un mensonge grossier. Ils apportent leur soutien aux grandes banques et, derrière elles, aux grandes fortunes qui ont prêté de l'argent à la Grèce. Ils leur apportent la garantie qu'ils ne laisseront pas l'État grec faire faillite et que sa dette sera remboursée rubis sur l'ongle malgré les intérêts d'usurier pratiqués.
Après avoir poussé l'État grec au bord de la faillite, la dette va maintenant coûter cher à l'État allemand ou français. De crainte des réactions de son électorat, Angela Merkel, la dirigeante de l'Allemagne, a souhaité faire payer un peu les banques elles-mêmes. Rien que l'évocation de cette idée a soulevé l'opposition de Sarkozy et de la Banque centrale européenne. Pensez donc : si on touche aux banques, cela va déclencher une panique financière ! Ainsi, c'est avec la bénédiction des gouvernements que les banques pratiquent les intérêts les plus extravagants, sans même prendre le risque de ne pas être remboursées.
C'est un système fou. Il enrichit les possesseurs de capitaux et ruine les classes populaires.
L'ensemble de l'économie en pâtit, car les politiques d'austérité diminuent la consommation populaire et sapent encore plus la production.
Tous les dirigeants de ce monde savent qu'ils dansent sur un volcan. Ils le disent eux-mêmes, mais ils ne font rien. Ils ne font rien par respect de l'argent, de la propriété privée des capitaux. Et, là-dessus, les politiciens de droite et de gauche se valent. Les deux pays où la politique d'austérité est la plus dure pour la majorité de la population, la Grèce et l'Espagne, sont dirigés par un gouvernement socialiste. Alors, ceux qui en Grèce ou en Espagne manifestent contre la politique d'austérité ont tout à fait raison de rejeter les deux camps qui mènent la même politique en faveur de la classe capitaliste. Ils ont raison de ne plus faire confiance à l'alternance électorale pour arrêter la dégringolade des conditions d'existence de la majorité de la population.
Mais il faudra imposer une autre politique, visant à prendre le mal à sa racine.
Pour surmonter la crise de la dette, il faut exproprier les banquiers, unifier toutes les banques dans une entreprise publique contrôlée par la population. Pour enrayer le chômage, il faut imposer la répartition du travail entre tous sans diminution de salaire. Pour protéger le pouvoir d'achat des travailleurs, il faut imposer l'échelle mobile des salaires et des pensions.
S'indigner contre le grand capital et ses dégâts doit amener à la conclusion : il faut mettre fin à sa dictature sur l'économie et la société !
Arlette LAGUILLER
Éditorial des bulletins d'entreprise du 20 juin