Euthanasie : Nouvelle mise en examen d'un médecin07/09/20112011Journal/medias/journalnumero/images/2011/09/une2249.jpg.445x577_q85_box-0%2C104%2C1383%2C1896_crop_detail.jpg

Leur société

Euthanasie : Nouvelle mise en examen d'un médecin

Le 12 août, le docteur Bonnemaison, médecin urgentiste à l'hôpital de Bayonne, était mis en examen pour « empoisonnement sur personnes vulnérables ». Il lui est reproché, et il ne nie pas les faits, d'avoir abrégé les souffrances d'au moins quatre personnes âgées en fin de vie en leur administrant des « substances ayant entraîné le décès immédiat ». Pour cet acte d'euthanasie dite active, il est passible de la réclusion criminelle à perpétuité.

Dans les hôpitaux, c'est tous les jours que des soignants sont confrontés au problème de mettre fin au calvaire de malades en fin de vie, pour lesquels la médecine ne peut plus rien. Seuls quelques cas filtrent au grand jour, posant alors publiquement le problème.

On se souvient de Vincent Humbert, paralysé, muet et pratiquement aveugle suite à un accident de voiture mais... conscient. Il avait choisi de ne plus vivre, mais c'est sa mère qui avait dû se charger d'abréger ses souffrances en lui administrant des barbituriques. Sauf que Vincent avait survécu, dans le coma. Alors, le médecin réanimateur avait débranché le respirateur qui le maintenait en vie. C'était en septembre 2003. La mère et le médecin avaient été mis en examen pour « administration de substances toxiques » et « empoisonnement avec préméditation ». Ils risquaient la prison mais le juge avait déclaré un non-lieu, preuve de l'écart entre la vision de la loi et la réalité, ainsi que de l'hypocrisie qui régnait et qui règne encore.

C'est à la suite de cette « affaire » Humbert que fut votée, en avril 2005, la loi relative aux droits des patients en fin de vie, dite loi Léonetti. Elle a instauré, dans un cadre où l'avis du patient ou celui de son entourage est requis et où la décision implique toute l'équipe soignante, un droit au « laisser mourir ». En effet cette loi refuse et condamne « l'obstination déraisonnable », c'est-à-dire l'acharnement thérapeutique, elle rend obligatoire le soulagement des douleurs et elle autorise l'administration d'antalgiques à forte dose, même s'il existe un risque d'abréger la vie du malade.

La loi Léonetti a marqué un progrès. En légalisant l'euthanasie passive, elle a mis fin à une certaine hypocrisie. En partie seulement. Deux ans plus tard, en 2007, éclatait « l'affaire » de l'hôpital de Saint-Astier, en Dordogne. Une médecin et une infirmière étaient accusées d'empoisonnement, d'euthanasie active, pour avoir injecté une substance mortelle à une femme en phase terminale de cancer qui leur avait demandé d'en finir. La cour d'assises avait acquitté l'infirmière et condamné la médecin à un an de prison avec sursis, mais sans inscrire la peine dans son casier judiciaire afin qu'elle puisse continuer d'exercer. L'hypocrisie demeure.

Aujourd'hui, « l'affaire » Bonnemaison pose de nouveau le problème. Soupçonné d'euthanasie active, le médecin urgentiste a été laissé en liberté, mais on ne sait pas pour l'instant ce que l'enquête et la justice décideront pour la suite. Par la voix de son avocat, il affirme avoir réagi « face à sa conscience de médecin (...) pour abréger les souffrances de quelques minutes, de quelques heures parfois, pour certaines personnes qui étaient dans son service ». Et les manifestations de soutien à son égard à l'hôpital de Bayonne ont montré l'estime que lui vouent ses collègues mais aussi que le problème est récurrent, fait partie des préoccupations de tous les personnels soignants.

À cette occasion, la mère de Vincent Humbert a réaffirmé que la loi est insuffisante. À des fins d'humanité, elle demande qu'elle permette « une aide active à mourir et non un simple laisser mourir. » De nombreuses voix s'élèvent pour la dépénalisation de l'euthanasie. Les partisans du « Droit à mourir dans la dignité » en appellent à la liberté de choisir sa fin de vie.

Certes, on devrait pouvoir choisir consciemment les modalités de sa mort. Mais, concrètement, comment encadrer ce droit ? Trouver des solutions humaines pour la fin de vie est un problème qui, comme bien d'autres, ne peut pas être résolu dans une société où tout est dicté par l'argent. Tout le système de santé est soumis à la pression de la rentabilité. Les personnels sont trop peu nombreux, débordés, souvent dans l'impossibilité de prendre le temps de soulager ne serait-ce que la douleur morale des mourants.

Alors, des médecins, des infirmières, parfois les malades eux-mêmes ou leurs proches se débrouillent et font face par leurs propres moyens. Et ce n'est pas aux tenants d'un ordre moral qui fait fi des douleurs de les condamner, ni à ceux qui refusent les moyens qui permettraient une fin dans la dignité.

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