Les illusionnistes22/03/20122012Journal/medias/journalnumero/images/2012/03/une2277.jpg.445x577_q85_box-0%2C104%2C1383%2C1896_crop_detail.jpg

Editorial

Les illusionnistes

Le meeting de Mélenchon sur la place de la Bastille, à Paris dimanche 18 mars, a été une réussite par le nombre de participants. Bien sûr le PCF, qui a choisi pour candidat l'ancien sénateur socialiste et ministre de Jospin, y est pour beaucoup, avec sa capacité de mobilisation. Mais il n'y a pas que cela. La manifestation a reflété aussi à sa façon le rejet que suscite Sarkozy dans une partie importante de la population.

C'est sur ce rejet que surfe également Hollande, dont le principal argument, y compris vis-à-vis de Mélenchon, est d'affirmer qu'il est le seul à pouvoir battre Sarkozy au deuxième tour.

La montée de Mélenchon dans les sondages témoigne, en plus, d'une méfiance à l'égard de Hollande. Son langage est plus radical, lui qui parle de l'« insurrection citoyenne » et qui affirme que, « devant une France défigurée par les inégalités sociales, il faut tourner la page de cet ancien régime ce qui nous permettra de refonder la République ».

Mais, pour mettre fin aux inégalités sociales, il ne suffit pas de changer le numéro et de parler de Sixième République. Les banques, le grand patronat, la classe capitaliste ne tirent pas leur pouvoir d'une Constitution, mais de l'exploitation, du monopole qu'ils ont sur l'argent, sur les entreprises et sur toute l'économie. On ne combat pas ce pouvoir avec des mots, et seulement des mots.

Or Mélenchon ne donne que des mots, qui sonnent bien mais qui ne proposent pas d'objectifs, de programme, c'est-à-dire des armes, à ceux qui sont les victimes du système capitaliste. Il ne leur donne même pas des armes pour se défendre en cette période de crise contre les coups redoublés de la classe capitaliste, contre les licenciements, contre l'écrasement du pouvoir d'achat, contre l'anarchie de l'économie.

La perspective brandie par Mélenchon est seulement : « Faites-moi confiance, et avec un meilleur gouvernement, on fera mieux que Sarkozy. » Mais c'est un mensonge. À commencer par le fait que, si la gauche l'emporte au deuxième tour, ce « meilleur gouvernement » sera celui de Hollande et du PS. Voter pour Mélenchon, c'est simplement une autre façon de voter pour Hollande. Et celui-ci n'a ni l'intention ni les moyens d'affronter le grand patronat.

Mélenchon ne s'en cache pas : son modèle, c'est le gouvernement de Mitterrand, c'est le gouvernement de Jospin dont il a été un des ministres pendant deux ans. Les travailleurs qui ont vécu ces périodes ont toutes les raisons d'en garder le souvenir amer des déceptions et des désenchantements.

Aujourd'hui, plus encore qu'au temps de Mitterrand, la crise est grave et la lutte de la classe capitaliste contre les travailleurs plus féroce. Dans cette guerre sociale, les travailleurs se berceraient d'illusions en croyant à un sauveur suprême.

Dans la présidentielle qui vient, la candidate de Lutte Ouvrière, Nathalie Arthaud, représente une tout autre politique. Elle consiste à dire aux travailleurs qu'ils ne peuvent compter que sur eux-mêmes et ont infiniment plus de forces pour briser le mur de l'argent que tous les ministres, de quelque étiquette qu'ils soient. Contrairement à Hollande et à Mélenchon, elle ne fait pas de promesses. Elle propose des objectifs qui permettront à la classe ouvrière, aux chômeurs, aux pauvres, de changer réellement le rapport de forces avec la classe capitaliste.

Contre le chômage, il faut l'interdiction des licenciements et la répartition du travail entre tous sans diminution de salaire. Il faut imposer à l'État de créer des emplois utiles à tous dans les services publics et procéder à de grands travaux, comme la construction du million de logements sociaux qui manquent.

Il faut imposer une augmentation générale des salaires et des retraites et leur indexation automatique sur les hausses de prix. Pour montrer que le grand patronat et les banquiers ont largement les moyens de financer tout cela, il faut leur imposer le contrôle des travailleurs et de la population sur les comptes et les projets des entreprises. En commençant par la suppression du secret industriel et commercial.

Tout cela ne pourra être imposé que par des luttes collectives, déterminées et conscientes.

Le vote pour Nathalie Arthaud ne remplace pas la lutte, mais il la prépare. Il montrera qu'il y a parmi les électeurs des travailleurs qui non seulement veulent exprimer leur colère contre Sarkozy et leur méfiance vis-à-vis de Hollande, mais savent que, quel que soit le futur gouvernement, ils auront à se battre et à gagner contre le grand patronat. Et qui savent quels sont les objectifs vitaux à imposer.

Éditorial des bulletins d'entreprise du 19 mars

Partager