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- Lutte ouvrière n°2298
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Italie - L'aciérie de Tarente arrêtée : « Droit au travail et aussi à la santé ! »
La plus grande aciérie d'Europe, avec 12 000 emplois directs et 8 000 emplois de sous-traitance, sera arrêtée jusqu'à ce qu'elle puisse produire sans danger pour la vie des riverains et de ses propres ouvriers : telle est la décision notifiée le 10 août par la juge d'instruction Patrizia Todisco à la direction de l'Ilva de Tarente, dans le sud de la botte italienne.
Cela fait suite à une série d'avertissements adressés à la direction de l'Ilva, et jamais suivis d'effet. Selon l'expertise rendue publique en mars, les émissions polluantes de l'aciérie provoquent en moyenne chaque année 650 hospitalisations pour troubles cardio-respiratoires, et environ 90 décès. Les plus touchés sont naturellement les travailleurs de l'Ilva, avec parmi eux une fréquence élevée de cancers de la prostate, de la vessie, de l'estomac, de la plèvre et du cerveau. Mais la fréquence des cancers est tout aussi notable au sein de la population de Tarente, et surtout des quartiers les plus proches de l'Ilva, directement arrosés par ses émissions de composés toxiques et de micro-particules auxquelles les enfants sont particulièrement sensibles, au point que l'on relève aussi parmi eux un taux anormal de cancers.
C'est à la suite de ces rapports que la juge avait décidé fin juillet la mise sous séquestre de l'aciérie et la désignation d'administrateurs provisoires, ainsi que la mise aux arrêts domiciliaires de huit de ses dirigeants, constatant que « la gestion du pôle sidérurgique de Tarente a toujours été caractérisée par un total mépris des graves conséquences que son cycle de production provoque pour l'environnement et la santé des personnes ».
Mais que faire maintenant ? Fin juillet, une manifestation de 5 000 ouvriers de l'Ilva a réclamé la garantie du droit au travail en même temps que du droit à la santé. Le gouvernement a annoncé le déblocage de 336 millions d'euros pour aider l'entreprise à mettre sa production aux normes et à entreprendre la dépollution du site. Actuellement des manoeuvres sont en cours, du côté de la direction de l'entreprise et aussi du gouvernement, pour tenter d'obtenir que l'Ilva puisse continuer à produire, tout en entreprenant en principe les travaux nécessaires. Mais comment leur faire confiance pour cela, alors que depuis des années toutes les injonctions n'ont servi à rien ?
Les partis soutenant le gouvernement Monti, du Parti démocrate au PdL, le Peuple de la liberté de Berlusconi, déclarent maintenant ne pas comprendre la décision de la justice. Ils soulignent le fait que l'emploi et le salaire de 20 000 ouvriers sont en jeu, sans bien sûr penser à exiger que les patrons continuent d'assurer les payes, y compris si l'aciérie est arrêtée pour les travaux de mise aux normes qu'ils n'ont jamais voulu entreprendre. Et, malheureusement, les déclarations des directions syndicales ne valent pas mieux que celles des partis en question.
C'est pourtant elles, bien avant qu'une juge un peu indépendante le fasse, qui auraient dû exiger que les ouvriers puissent travailler sans risque pour leur santé, ni pour celle de la population environnante. Mais c'est un terrain de combat qu'elles ont déserté, en même temps que beaucoup d'autres.
La justice, une fois n'est pas coutume, a pris une décision de sauvegarde de la santé des travailleurs et des citoyens de Tarente. La logique serait maintenant que le patron paye, tant pour les travaux indispensables que pour continuer d'assurer les salaires. Mais c'est ce que les forces politiques majoritaires voudraient tenter de lui éviter.
Il ne peut pourtant pas être question que 20 000 ouvriers doivent payer, non seulement de leur santé mais de leur emploi et de leur salaire, les conséquences de l'irresponsabilité patronale.