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- Lutte ouvrière n°2331
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Leur société
Hollande au Maroc : Bonnes affaires chez son ami le Roi
Mais ceux qui étaient contents par avance étaient les soixante patrons français qui faisaient partie du voyage présidentiel, dont 36 figurent au CAC 40. Ils seraient bien ingrats d'ailleurs s'ils ne l'étaient pas. Car, sous le prétexte d'« entretenir l'amitié », de renforcer « une relation au beau fixe », voire de « confirmer la solidité des liens unissant la France et son premier partenaire au Maghreb, au-delà des alternances politiques » - comme l'affiche la presse française - le voyage de Hollande et de son équipage de patrons devrait être, comme toujours, une excellente occasion de conclure ou pour le moins de préparer des signatures de marchés d'importance pour les capitalistes hexagonaux.
750 entreprises françaises sont présentes sur le sol marocain, pays dont la France est un des principaux fournisseurs (pour cinq milliards d'euros en 2012), et où elles emploient près de 100 000 personnes. Les capitaux placés au Maroc représentent 16 milliards, ce qui fait de la France le premier investisseur dans le pays. Cette fois, il s'agissait d'obtenir une quinzaine de nouveaux contrats, dans le domaine ferroviaire, tramways, métro, TGV, de l'agro-alimentaire et de l'épuration des eaux. Une station d'épuration construite par une filiale de GDF Suez a d'ailleurs été inaugurée. Le groupe devrait aussi bénéficier de la construction à Tarfaya du plus grand parc éolien d'Afrique. EDF Énergies nouvelles attend un accord sur la vente d'électricité fournie par le parc éolien qu'il construit à Taza, et va construire également en commun avec le Japonais Mitsui un autre parc de 150 mégawatts fonctionnant avec 50 turbines Alstom. Quant à Vivendi, il espère retirer 4,5 milliards de la cession imminente de ses parts dans Maroc Telecom.
Cette situation affriolante pour les capitalistes français, et pas que pour eux, justifie sans doute aux yeux de leur commis voyageur, Hollande, une certaine indulgence dans le jugement porté sur la politique du roi à l'égard de la population du pays. Il devait d'ailleurs, selon l'un de ses conseillers, saluer « l'impulsion démocratique et l'élan réformateur du roi ».
Cela n'est pas ainsi qu'une grande partie de la population pauvre peut voir les choses. Les « réformes » promises depuis deux ans, même si elles n'ont guère suscité d'espoirs, sont toujours au point mort. La corruption au sein du Makhzen (l'appareil d'État de haut en bas) règne de plus belle. Le nouveau gouvernement, dirigé par le Parti (islamiste) de la justice et du développement, se montre tout aussi aux ordres que le précédent. Et nombre d'opposants au régime, comme certains membres du M20F qui s'est formé au cours des manifestations de février 2011, subissent une répression brutale. La population, de plus en plus touchée par la crise, ne voit progresser que le chômage et les hausses de prix, notamment celles du carburant, de l'eau et de l'électricité. Aux manifestations, comme il y a deux mois à Marrakech, le pouvoir répond par la matraque, les emprisonnements, voire les tortures. La nouvelle menace que représentent les récentes consignes du FMI, en échange d'une « ligne de précaution et de liquidités » de 6,2 milliards de dollars, risque de se traduire par le gel des salaires, la baisse des dépenses sociales et des retraites, et le démantèlement du système de subventions aux produits de base.
Face à cette situation, les discours « d'amitié » de Hollande envers le peuple marocain risquent de sonner particulièrement faux.