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Italie : À Naples, mobilisation contre les décharges toxiques
Samedi 16 novembre, des dizaines de milliers de manifestants ont envahi les rues de Naples pour dénoncer les décharges de déchets toxiques qui infestent toute la région.
Très populaire, la manifestation a vu descendre dans la rue des familles entières, des mères regroupées par écoles, exprimant leur colère de voir leurs enfants passer tous les jours au milieu de terrains empoisonnés, des petits agriculteurs qui ont dû cesser de cultiver leurs champs, littéralement encerclés par les décharges légales ou non, des travailleurs exaspérés par cette catastrophe qui s'ajoute à celle du chômage, qui a explosé dans le Sud et en particulier en Campanie, la région de Naples.
Car il s'agit bien d'une catastrophe écologique et sanitaire, qui touche en particulier la zone comprise entre le sud de Caserte et le nord de Naples, devenue la décharge toxique de tout le pays. Depuis vingt ans, ce sont près de deux millions et demi de tonnes de déchets qui ont été enterrées sous les champs cultivés de la région. Et il ne se passe pas un jour sans qu'une nouvelle décharge clandestine ou une nouvelle source de pollution ne soit découverte. Le 13 novembre par exemple, les gardes forestiers ont effectué une énième mise sous séquestre à Caivano, dans la banlieue nord de Naples : 600 000 mètres carrés de champs cultivés et treize puits s'avéraient empoisonnés par des produits toxiques, où se trouvaient entre autres des traces d'arsenic.
De 2001 à 2009, la « crise des déchets » avait mis Naples sous les feux de l'actualité, avec ses tonnes d'immondices encombrant les rues. Le scandale du traitement des déchets, ou plutôt de leur non-traitement, et de la mainmise de la Camorra, la mafia locale, sur tout le secteur avait alors éclaté. Non sans que les médias y aillent de leurs commentaires sur l'incapacité des Italiens du Sud, et des Napolitains en particulier, à faire preuve de civisme et à adopter une conduite vertueuse en matière de recyclage et de traitement des ordures ménagères.
Les déchets industriels avaient fait couler moins d'encre. Ce sont pourtant eux qui constituent le véritable cancer de la région, au sens propre du terme puisque les cas de maladie explosent, avec par exemple une fréquence des tumeurs au foie 300 % plus élevée que la moyenne nationale.
La Campanie est devenue la décharge idéale pour les industries des régions du Nord. D'après les estimations de certaines associations, une tonne de déchets industriels illégaux aboutit chaque minute dans la région de Naples. Aux côtés de la Camorra - grande entreprise illégale - ce sont les patrons « vertueux » des usines du Nord qui s'enrichissent de ce trafic. En se débarrassant de leurs déchets sans avoir à les traiter, ils réalisent des économies substantielles.
Parmi les organisateurs de la manifestation de Naples - qui se veulent apolitiques - certains en appelaient aux institutions afin d'assainir les terres polluées. Mais les mêmes institutions qui ont si bien fermé les yeux sur la pollution deviendraient alors très probablement les garantes d'une dépollution... confiée à des entreprises parmi lesquelles figurent les pollueurs ! Et ne doutons pas que la Camorra, qui est parvenue à se glisser dans toutes les phases du business des décharges, trouverait, là encore, un nouveau moyen de faire de l'argent.
Le gouvernement a beau assurer qu'il se penche sur la dépollution de la région, bien des manifestants ne lui font pas confiance, pas plus qu'aux politiciens locaux plus ou moins corrompus qui ont laissé faire, quand ils n'ont pas directement organisé la catastrophe.
« Ceux qui ont pollué doivent payer », « Camorra, État, entrepreneurs : tous coupables », pouvait-on lire parmi les slogans de la manifestation. D'autres banderoles réclamaient le contrôle de la population sur les opérations d'assainissement et de dépollution.
Et c'est bien ce qu'il faudrait pour empêcher le capitalisme d'empoisonner toute la région et ses habitants au nom du profit, avec la complicité de la mafia... et des autorités.