Italie : Levée de fourches contre le système... Quel espoir pour les classes populaires ?09/01/20142014Journal/medias/journalnumero/images/2014/01/une2371.jpg.445x577_q85_box-0%2C104%2C1383%2C1896_crop_detail.jpg

Dans le monde

Italie : Levée de fourches contre le système... Quel espoir pour les classes populaires ?

Au cours du mois de décembre, de nombreuses villes italiennes ont vu se développer les manifestations des forconi, littéralement les « fourches », un mouvement qu'on peut comparer à celui des bonnets rouges bretons, l'aspect régionaliste en moins. Petits commerçants, artisans, paysans, petits entrepreneurs, transporteurs touchés par la crise se sont rassemblés sur les places à partir du 9 décembre, proclamant que ce jour-là ils allaient bloquer le pays en cherchant à s'adresser à la population.

Déclarant que leur situation devient désespérée, les forconi accusent le « système », les impôts et les charges trop lourdes, les tracasseries administratives, la corruption des politiciens et leur incapacité à sortir l'économie de l'ornière. Le succès de leurs manifestations a été très variable. Elles ont souvent été rejointes par des supporters de clubs sportifs ou même des groupes d'extrême droite cherchant à en tirer parti. Mais des jeunes, des travailleurs, des chômeurs les ont aussi rejointes. Et surtout, il est évident que les dénonciations des forconi recueillent un écho bien au-delà, dans une large fraction de la population.

L'Italie est frappée par la crise, la stagnation de l'économie s'accompagne de fermetures d'entreprises, de l'augmentation du chômage, de la baisse du pouvoir d'achat. La petite bourgeoisie des commerçants, artisans, en sent particulièrement les effets. La politique d'austérité des gouvernements Monti, puis Letta, s'est traduite aussi par l'augmentation des impôts. La lutte proclamée contre l'« évasion fiscale » pour payer la dette est bien loin de toucher les grandes fortunes, les grands capitalistes ou les mafieux. Mais elle atteint bien plus facilement les petits commerçants, qui souvent ne s'en sortaient que parce qu'ils ne déclaraient qu'une partie de leurs revenus.

Tout cela est à la base de cette protestation qui mêle diverses couches sociales autour d'une dénonciation du système et des politiciens, et qui recouvre des aspirations confuses et contradictoires. C'est ce même mécontentement qui a fait, au printemps dernier, le succès électoral du mouvement Cinq étoiles du comique Beppe Grillo, qui a recueilli 25 % des suffrages grâce à sa campagne contre le système politique, mais aussi contre l'euro et les politiques européennes. Le succès de Grillo comme le mouvement des forconi témoignent tant du profond malaise social engendré par la crise que de la désorientation, de l'absence de perspectives de ceux qui protestent.

Le problème majeur reste celui des réactions de la classe ouvrière. Elle est la principale victime de la crise, mais aussi pour l'instant celle qui se sent la moins en mesure de réagir par la lutte. Cela est dû à toutes les expériences négatives vécues ces dernières années et surtout au fait que ses propres organisations, les grandes confédérations syndicales et les partis de gauche, ont été les premières à collaborer aux politiques d'austérité et à expliquer aux travailleurs qu'il fallait accepter tous les reculs.

Les dirigeants de la gauche gouvernementale et des confédérations syndicales ont réagi au mouvement des forconi en le taxant de protestation fasciste ou fascisante. Mais même si l'extrême droite cherche à être présente dans ce mouvement, ce n'est pas l'intérêt des travailleurs de condamner de cette façon ses participants. La plupart protestent sincèrement, parce que la crise les met dans une situation désespérée, et pourraient devenir des alliés des travailleurs salariés. Ils partagent en effet la même indignation contre la crise et contre des responsables politiques qui ne savent que faire payer les couches populaires au lieu de s'en prendre aux capitalistes qui l'ont provoquée.

C'est bien la classe ouvrière et elle seule qui peut ouvrir une issue à la situation, si elle devient une force consciente, organisée et combative. En commençant par imposer ses propres exigences face au système capitaliste en crise, elle peut montrer qu'elle représente un espoir. Sans quoi le développement de mouvements comme celui des forconi risque effectivement de faire le lit de la droite et de l'extrême droite.

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