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- Lutte ouvrière n°2374
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Il y a 90 ans, le 21 janvier 1924, Lénine disparaissait : L'actualité de ses idées et de son combat
Au moment du 90e anniversaire de la mort de Lénine, il est bon de revenir sur ce que le léninisme représente pour le mouvement ouvrier. D'autant plus que ce terme a été largement falsifié, dénaturé, vidé de son sens et utilisé au service de politiques aux antipodes de celle qu'avait défendue Lénine et qui avait permis la victoire de la révolution russe, la première révolution ouvrière victorieuse de l'histoire. La falsification du léninisme par Staline et ses successeurs en URSS a fait et continue aujourd'hui de faire des ravages dans le mouvement révolutionnaire et ouvrier.
Si Lénine, hier comme aujourd'hui, est si haï par les défenseurs avoués ou hypocrites du capitalisme, c'est qu'il a traduit en actes l'héritage de Marx et d'Engels, que certains auraient voulu borner à n'être que littéraire. Contre vents et marées, il a lutté pour forger l'outil indispensable à l'émancipation des travailleurs : un parti de combat, composé de militants entièrement dévoués à la révolution prolétarienne, le Parti bolchevique.
Ce choix de Lénine fut décrié, y compris au sein du mouvement socialiste d'avant 1914, comme sectaire, car refusant de se fondre au sein d'un même parti avec les mencheviks, qui se présentaient comme plus ouverts, mais qui l'étaient surtout aux influences et pressions de la bourgeoisie. Ce choix organisationnel décisif, Lénine le fit dès 1903.
UN PARTI REVOLUTIONNAIRE, DEMOCRATIQUE ET CENTRALISE
Les discussions idéologiques pour la défense du marxisme contre les dérives de toutes sortes eurent une importance capitale pour armer politiquement et pratiquement les militants ouvriers de la Russie d'alors. Mais il fallait aussi l'existence indépendante, avec leur propre parti, de militants et de dirigeants sélectionnés sur leur dévouement à la cause de la révolution socialiste, c'est-à-dire de la défense des intérêts de la classe ouvrière mondiale, pour pouvoir mener la classe ouvrière à la victoire lorsqu'une situation révolutionnaire se présenterait.
Quand la révolution éclata une première fois en Russie en 1905, ni Lénine ni le Parti bolchevique ne la déclenchèrent. Il se produisit un soulèvement populaire dont l'élément déclencheur fut la répression sanglante d'une manifestation ouvrière rassemblée derrière un pope illuminé. Mais les militants bolcheviques furent aux premiers rangs de la grève générale et de l'organisation des soviets (conseils ouvriers) qui s'en suivirent. Et leur parti n'hésita pas, répondant en cela à la détermination des masses, à organiser militairement les ouvriers de Moscou quand ceux-ci choisirent d'affronter les troupes du tsar. Une fois retombée la phase offensive de la révolution, le Parti bolchevique, sous l'impulsion de Lénine, se proposa de continuer à combattre l'adversaire de classe y compris sur le terrain électoral, une tribune pour s'adresser et répondre alors aux attentes des masses laborieuses.
Si ce parti était un parti de combat, discipliné dans l'action, il était aussi démocratique, contrairement aux mensonges répandus par ses ennemis d'hier et d'aujourd'hui. Ainsi, mis en minorité au sein de son parti sur la question de la participation aux élections après 1905, Lénine se plia à la décision de la majorité, tout en défendant sa ligne, qui finit par triompher.
C'est parce que Lénine s'était battu avec intransigeance pour construire ce parti de révolutionnaires que celui-ci fut pratiquement le seul à maintenir le drapeau de l'internationalisme et du socialisme lorsqu'éclata la guerre de 1914, refusant de se rallier à la bourgeoise comme le firent l'immense majorité des partis socialistes et des syndicats en Europe. Mais Lénine ne se transforma pas en pacifiste : le Parti bolchevique en appela, au pire moment de désespoir des masses, à transformer la guerre impérialiste en insurrection ouvrière pour renverser la bourgeoisie.
Lénine et le Parti bolchevique ne faisaient qu'un. L'existence d'un tel parti a, seule, permis à la révolution, qui éclata en février 1917 à Petrograd, d'aller jusqu'au bout de ses possibilités, permettant à la classe ouvrière de se porter au pouvoir en octobre. Sans le Parti bolchevique et Lénine, qui était son dirigeant le plus reconnu, la révolution n'aurait pu triompher. Ainsi, il suffit de quelques lettres et d'un discours de Lénine en avril 1917 pour orienter son parti, un moment hésitant, vers la révolution prolétarienne. Cela alors que les chefs mencheviques et leurs alliés gouvernementaux s'étaient mués en défenseurs de la « démocratie », en fait de la bourgeoisie.
Ainsi, selon le mot de Rosa Luxemburg, le Parti bolchevique allait « oser ». C'est encore Lénine qui emporta, avec quelques difficultés, en octobre 1917, la décision de franchir le Rubicon : préparer l'insurrection armée afin de transmettre le pouvoir aux soviets des ouvriers, des paysans et des soldats. Et cela contre une partie des dirigeants historiques du parti, qui n'osaient pas rompre les amarres avec le vieux monde.
LE PARTI MONDIAL DE LA REVOLUTION
Ces millions d'ouvriers et paysans russes qui firent la révolution résistèrent ensuite victorieusement, sous la conduite de Trotsky qui créa et dirigea l'Armée rouge, au monde capitaliste coalisé qui envoya des troupes pour abattre le premier État ouvrier.
La nécessité d'aller jusqu'au bout des possibilités que la période offrait pour bouleverser l'ordre établi, Lénine la concevait, comme Marx avant lui, dans le cadre du combat de la classe ouvrière internationale pour la nouvelle société socialiste. Usant du poids que leur conférait la victoire d'Octobre en Russie, Lénine et Trotsky mirent sur pied la Troisième internationale, proclamée en 1919 en pleine guerre civile. Marquant la rupture avec la social-démocratie passée du côté de l'ordre bourgeois en 1914, l'Internationale communiste, parti mondial de la révolution, appelait à la création dans tous les pays de partis communistes révolutionnaires.
L'HERITAGE REVOLUTIONNAIRE DU MOUVEMENT OUVRIER
Le drame fut que la classe ouvrière internationale et ses militants n'eurent pas le temps de construire des partis expérimentés, implantés dans les masses à l'image de celui des bolcheviks, avant que ne retombe la vague révolutionnaire qui suivit la fin de la guerre mondiale. L'absence de tels partis fut fatale à la révolution ouvrière en Europe, malgré le combat courageux de millions d'ouvriers et paysans en Allemagne, Finlande, Hongrie notamment, de 1918 à 1923. Avec la complicité des chefs sociaux-démocrates, la bourgeoise allemande fit assassiner préventivement les dirigeants révolutionnaires les plus capables d'Allemagne, Rosa Luxemburg et Karl Liebknecht, qui avaient le crédit pour permettre la construction d'un parti communiste puissant.
Cette défaite du prolétariat européen eut des conséquences catastrophiques. En URSS, elle accéléra la dégénérescence de la révolution ouvrière, isolée dans un pays attardé. La victoire de la réaction bureaucratique et l'instauration de la dictature stalinienne creusèrent un fossé de sang entre les idées et les traditions portées par Lénine, et après sa mort par les militants bolcheviques regroupés autour de Trotsky, et la monstrueuse caricature qu'en fit le stalinisme. Et l'un des résultats de cette trahison fut, partout, la transformation des partis staliniens en gardiens de l'ordre bourgeois, aux côtés de la social-démocratie.
Aujourd'hui, en France comme ailleurs, la classe ouvrière reste privée de partis représentant ses intérêts politiques. Avec l'approfondissement de la crise, l'exacerbation de la lutte de classe que mène la bourgeoise mondiale, il est vital pour l'avenir que les nouvelles générations renouent avec l'héritage révolutionnaire du mouvement ouvrier depuis ses origines.
La classe ouvrière ne pourra reprendre confiance et vaincre la bourgeoisie sans prendre conscience de sa mission historique et sans redonner vie à des partis révolutionnaires communistes, comme celui que Lénine a consacré sa vie à construire.