- Accueil
- Lutte ouvrière n°2426
- Syriza et son programme : Ce qu'il dit et ce qu'il ne dit pas
Dans le monde
Syriza et son programme : Ce qu'il dit et ce qu'il ne dit pas
Sur cela, Syriza se dit prêt à négocier immédiatement avec les créanciers des institutions européennes pour trouver, selon les termes de Tsipras au soir de sa victoire, « une solution juste et viable au bénéfice des deux parties ».
D'ici la fin des négociations, Syriza propose un « plan national de reconstruction ». On y trouve une série de mesures d'aides sociales : électricité, transports et soins médicaux gratuits, repas subventionnés, pour les chômeurs de longue durée et pour les plus pauvres. Son programme propose d'alléger le poids des dettes sur les particuliers, par l'arrêt ou la suspension des poursuites, l'arrêt des saisies de comptes bancaires ou de résidences principales, etc.
Il prévoit aussi le retour du salaire minimum à 750 euros au lieu de 500 euros net actuellement, le rétablissement de droits des travailleurs supprimés par le précédent gouvernement, un programme d'emplois, dans le public en particulier, et un soutien aux petites entreprises.
Toutes ces mesures semblent évidemment indispensables pour permettre à la population de survivre, mais tout le problème est de les financer.
Parmi les solutions envisagées, le programme prévoit la mise en place d'une banque publique de développement, alimentée en puisant en partie dans le « coussin de sécurité », c'est-à-dire « les 11 milliards du Fonds hellénique de stabilité financière destiné au système bancaire ». Pour réaliser le « plan de reconquête de l'emploi » il entend utiliser d'autres fonds européens et envisage de cesser la privatisation d'une partie des biens de l'État. Mais tout cela reste dans le flou.
En fait, tout doit procéder des fonds publics, subventions européennes et impôts. Mettre la main sur l'argent des banques ou des grosses sociétés privées ne figure pas au programme de Syriza. Certes, on y trouve l'affirmation d'une volonté de lutter contre l'évasion fiscale et la contrebande - importante dans les carburants - « ce qui nécessite la détermination et la volonté politique d'entrer en conflit avec les intérêts oligarchiques ».
Dans une interview au Financial Times, Georges Stathakis, devenu depuis ministre de l'Économie, a ainsi montré du doigt certains entrepreneurs grecs « oligarques dans les secteurs des travaux publics ou des médias privés, liés politiquement au pouvoir » qui, insiste-t-il, ont faussé la concurrence en captant d'avance les marchés publics. Il dénonce la collusion clientéliste entre le monde des affaires, ou plutôt une partie de ce monde, et les éléments corrompus des partis traditionnels dont Syriza veut purger l'appareil d'État, condition indispensable selon lui pour le rénover et le démocratiser.
Que deviendra le programme de Syriza à l'épreuve des faits ? L'avenir le dira. Mais ce qui est sûr, c'est que faire céder les « oligarques », c'est-à-dire en réalité la bourgeoisie grecque ou étrangère, ne serait-ce que sur la limitation de leurs profits, cela nécessite bien plus que des combinaisons gouvernementales et des discussions entre responsables politiques. Cela nécessite une force sociale : celle de la population, des travailleurs conscients et organisés pour lutter pour leurs propres objectifs. Mais cela, ce n'est pas dans la perspective de Tsipras.