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- Lutte ouvrière n°2435
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Leur société
Condamner les prostituées, disculper les clients : le Sénat défend l’ordre moral !
Dans la nuit du 30 au 31 mars, 165 sénateurs contre 44 ont voté pour le rétablissement du délit de racolage passif introduit en 2003 par Sarkozy, qui transformait les prostituées en délinquantes. Avec ce vote, la droite voudrait enterrer une loi de décembre 2013, proposée par des députés PS visant à combattre la prostitution.
Certes, cette oppression ne peut être éliminée par une simple loi. Mais celle-ci avait le mérite de vouloir faire admettre, pour la première fois en France, que la prostitution est une violence pour les prostituées. Elle proposait, entre autres, de pénaliser les clients, d’en finir avec le délit de racolage passif, de s’attaquer aux réseaux, d’aider les prostituées à sortir de leur condition en leur offrant des titres de séjour quand elles sont sans papiers et en créant un fonds. En juillet 2014, le Sénat dominé par la droite avait déjà rejeté la pénalisation des clients.
Avec leurs votes, ces sénateurs se sont faits les garants de la société bien-pensante bourgeoise qui considère que les hommes, constituant l’immense majorité des clients, ont absolument le droit de payer afin d’obtenir la soumission sexuelle d’une femme et donc refuse de voir dans les prostituées des victimes.
Certains expliquent qu’on est libre de faire ce que l’on veut de son corps et donc de se prostituer si cela est son choix. Ils omettent de dire qu’alors il s’agit de faire ce que l’on veut du corps des autres ! D’autres défendent la prostitution au nom de la liberté sexuelle. Pour tous, dans cette société où tout se vend et s’achète, la liberté est celle du commerce et de l’argent. Ces propos sont toute la morale de ces gens. Une morale qui permet à ces honorables élus de ne pas entendre les témoignages des victimes. Comme celle-ci expliquant : « Je suis effondrée par les réactions que j’entends dans le débat d’aujourd’hui. Pourquoi tant de complaisance et de fantasmes quand la réalité est si crue, si violente ? La prostitution, je l’ai vécue comme une suite de viols, en me demandant comment tous ces hommes pouvaient défiler sans se poser de question. Pas un seul ne s’est inquiété de ma détresse. S’ils payent, c’est pour ça ; pour acheter le droit de ne se soucier que d’eux-mêmes. J’étais mineure, déglinguée, et pas un, jamais, n’a manifesté le moindre intérêt pour moi. On est une pute donc on est là pour ça. »
La prostitution existe bien depuis des siècles, non pas parce qu’elle serait « le plus vieux métier du monde », mais parce qu’elle est liée à l’existence de sociétés d’exploitation. Et depuis, elle est le corollaire de l’oppression des femmes, considérées principalement comme des objets de reproduction et d’assouvissement des désirs sexuels.
Aujourd’hui ceux qui prônent la liberté de se prostituer nient la réalité de cette barbarie car la prostitution est majoritairement l’œuvre de réseaux de traites de femmes. Plus de 80 % des prostituées en France sont étrangères, vendues, battues, droguées et violées maintes fois avant d’être jetées dans ce calvaire. Elles se retrouvent soumises à leurs esclavagistes, seules, et connaissent les pires difficultés physiques et psychologiques pour s’échapper. Non seulement l’État ne les aide pas, ne leur offre ni papiers ni secours officiels, mais il continue d’en faire des coupables.
Les amateurs des soirées du Carlton pourront boire une coupe de champagne en l’honneur du vote de ces sénateurs.