Selma et le combat pour le droit de vote des Noirs01/04/20152015Journal/medias/journalnumero/images/2015/04/2435.jpg.445x577_q85_box-0%2C104%2C1383%2C1896_crop_detail.jpg

Dans le monde

Selma et le combat pour le droit de vote des Noirs

En janvier dernier le journal trotskyste américain The Spark a publié un article sur le film Selma actuellement sur les écrans. En voici de larges extraits.

Ce film impressionnant se concentre surtout sur la campagne menée par Martin Luther King au début de 1965. À Selma, comme partout dans le Sud, presque aucun Noir n’avait le droit de voter, malgré le fait que la Constitution américaine le leur donnait. Mais ce n’était que des mots sur du papier. À chaque niveau, les autorités dressaient des obstacles qui privaient les Noirs de ce droit dans les faits, ainsi que bien des Blancs pauvres.

Contrairement à une idée répandue mais fausse, le film ne présente pas le président Lyndon Johnson comme un allié du mouvement Noir et un supposé champion des droits civiques. Le film montre Johnson refusant l’appel à l’aide de Martin Luther King. Et quand King ne suit pas la consigne de Johnson de ne pas participer à cette campagne pour le droit de vote, on voit Johnson et Hoover, le directeur du FBI, comploter contre lui en le menaçant de chantage.

Le mouvement pour l’inscription des Noirs sur les listes électorales avait commencé deux ans avant la venue de King à Selma, notamment grâce aux jeunes militants du Comité de coordination non-violent des étudiants (SNCC, en anglais), qui organisaient depuis 1960 des sit-in pour rompre la ségrégation dans les restaurants, les magasins... Malgré les difficultés et le danger que représentait l’activité du Ku Klux Klan et d’autres groupes racistes dans la région, c’est le SNCC qui avait posé les bases de l’organisation militante des Noirs à Selma.

Le film montre, qu’à l’exception d’un seul, tous les dirigeants du SNCC s’opposaient à King. Ainsi James Foreman disait que leur objectif était de permettre à la population noire de s’exprimer et de s’organiser dans le but de bâtir son propre pouvoir. Ils craignaient que même si King réussissait à obtenir quelques résultats, son opposition à l’organisation des Noirs pour leurs propres intérêts les laisserait aussi vulnérables qu’auparavant, une fois la campagne terminée.

On retrouve des éléments de cette lutte politique dans le film, même si la sympathie du réalisateur va à King. Le film souligne que King ne donnait qu’un seul objectif à la campagne de manifestations : convaincre un individu unique, le président Johnson, de faire adopter une loi en faveur du droit de vote des Noirs. D’où la préoccupation permanente de King de ne pas défier l’appareil d’État américain, bien que sa police et la justice fassent tout pour empêcher les manifestations. En d’autres termes, King croyait que cet État, bien que raciste, pouvait être poussé à défendre les intérêts des Noirs.

Le film montre que la justice et le gouvernement fédéral ont fini par intervenir. Johnson a été obligé de changer de politique et faire adopter une loi sur le droit de vote. Mais cette politique ne trouve pas son origine dans une conversion « morale » de Johnson ou un réveil de sa conscience, comme King et les prêtres de son association l’ont prétendu. C’était une tentative d’enrayer le mouvement des Noirs et d’en prendre le contrôle grâce à des concessions.

L’État n’a pas réussi. Cinq jours seulement après que Johnson eut ratifié cette loi, Watts, le plus grand ghetto noir de Los Angeles, s’embrasait le 11 août 1965 dans une grande émeute contre les autorités racistes. Bien d’autres villes du Sud comme du Nord ont également connu de semblables rébellions de masse.

La campagne de Selma, décrite dans ce film, marquait en fait la fin d’une phase du combat des Noirs contre le racisme, au moment où une autre s’ouvrait.

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