Bien que des rassemblements aient été également organisés à Liverpool et Glasgow, de nombreux provinciaux avaient convergé sur Londres. Dans le centre et le nord du pays, nombre de trades councils (comparables aux unions locales en France) avaient préféré affréter des cars pour venir à Londres, plutôt que de se contenter de participer à des rassemblements locaux.

Néanmoins, si les appareils syndicaux avaient déployé quelques efforts pour la circonstance, ils l’avaient fait essentiellement vis-à-vis de leurs militants. Même dans les grandes entreprises londoniennes, ils n’avaient pas cherché à informer les travailleurs, sans parler de leur donner des raisons de se joindre à la manifestation. De sorte que les travailleurs du rang n’y étaient qu’en minorité. En revanche, le fait le plus remarquable était la présence de très nombreux jeunes. On voyait aussi bien des lycéens et des étudiants, que des jeunes travailleurs, parmi lesquels de nombreux diplômés qui galèrent de petit boulot en petit boulot.

L’objet de cette manifestation était de s’opposer à la politique d’austérité de Cameron et, en particulier, aux nouvelles réductions des budgets sociaux qu’il s’apprête à annoncer début juillet. Mais au-delà, et peut-être même plus, c’était aussi une façon pour la plupart des manifestants d’exprimer leur déception que ce soit Cameron et son Parti conservateur, et non le Parti travailliste comme le faisaient penser les sondages, qui ait remporté les élections du 7 mai dernier.

Quant à l’Assemblée du peuple qui était organisatrice, il s’agit d’une coalition lâche créée en 2013 sur la base d’un manifeste contre l’austérité publié dans le quotidien The Guardian et signé par de nombreuses personnalités, essentiellement proches de la gauche travailliste, dont le cinéaste Ken Loach.

Parmi les organisations affiliées à cette coalition, on trouve des organisations plus ou moins religieuses, comme le Congrès des musulmans de Grande-Bretagne ; une multitude de groupes féministes, antiracistes, antimilitaristes ou défendant telle ou telle cause particulière ; des organisations politiques, allant du parti Vert à une douzaine de groupes d’extrême gauche, en passant par le Parti communiste. Enfin, et surtout, on y trouve ceux qui fournissent la colonne vertébrale de cette coalition : un grand nombre de syndicats, ainsi que la confédération TUC elle-même, bien que ni le TUC ni la plupart de ces syndicats n’aient eux-mêmes appelé publiquement à cette manifestation.

La destination de cette manifestation était Westminster, où siège le Parlement, et le clou du meeting de clôture était un discours de Jeremy Corbyn, député travailliste et figure de proue de la gauche de ce parti dont il est le candidat au poste de leader.

Ainsi, alors que, pendant les cinq premières années du règne de Cameron, les syndicats n’avaient rien eu d’autre à proposer que de voter travailliste aux élections suivantes, aujourd’hui ils continuent à raccrocher leur char à ce parti, mais en faisant mine de se placer sur sa gauche.

Le succès de cette manifestation n’a pu que réchauffer le cœur de ceux qui y ont participé, au moment où la bourgeoisie mène une véritable guerre de classe contre les travailleurs. Malheureusement, ceux qui étaient à son initiative ne proposent à la classe ouvrière que de s’engager dans une nouvelle impasse. C’est au contraire en se fixant des objectifs de lutte pour défendre ses intérêts sans s’en remettre aux dirigeants travaillistes passés et futurs que la classe ouvrière pourra se protéger des attaques qui la visent et commencer à regagner le terrain perdu.