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Dans le monde
Syrie : convergence russo-américaine
Lors de la réunion du G20 à Antalya en Turquie, dimanche 15 novembre, une entrevue privée non programmée entre Poutine et Obama a eu lieu sur la situation en Syrie. Rencontre après rencontre, sommet après sommet, la coalition entre les États-Unis et la Russie se renforce et s’impose de plus en plus à tous les autres acteurs régionaux et internationaux, visant à une solution politique incluant le régime d’Assad et appuyée par ses alliés.
Car après avoir attisé la guerre civile en Syrie et en Irak, les États-Unis veulent y mettre fin. Après avoir laissé leurs alliés régionaux, comme l’Arabie saoudite, le Qatar ou la Turquie, financer et armer des milices djihadistes comme Daech pour déstabiliser et renverser Assad, les États-Unis veulent désormais trouver une solution au chaos syrien qu’ils ont laissé se développer, créant une situation qui s’est retournée contre eux.
Mais, pour l’impérialisme américain, changer son fusil d’épaule ne peut se faire du jour au lendemain. Il lui faut lâcher progressivement les milices oppositionnelles à Assad, quasiment toutes plus réactionnaires les unes que les autres et qu’ils ont soutenues jusqu’à présent. Et surtout, il doit imposer à ses alliés régionaux de faire de même et d’accepter de renoncer à leur objectif de renverser Assad, ou du moins son régime. Or, les dirigeants des monarchies pétrolières et ceux de la Turquie ne se laissent pas entraîner sans une certaine inertie, ni sans poser leurs conditions. Tout en se soumettant officiellement à la pression américaine, en sous-main ils continuent de soutenir les milices djihadistes et de pousser leurs pions.
Ce double jeu a fait les affaires de la France qui, jouant sa propre carte, a rallié le camp des anti-Assad. Cela lui a permis d’obtenir en récompense de nombreux contrats pour ses industriels. Mais elle aussi devra tôt ou tard se mettre dans les clous de la stratégie américaine, et opérer son renversement d’alliance. Les attentats du 13 novembre à Paris ont été l’occasion pour Hollande de faire un pas dans ce sens. Sans trop froisser ouvertement les richissimes émirs d’Arabie saoudite et du Qatar, et alors que jusqu’à présent la diplomatie française mettait au même niveau la lutte contre Assad et la lutte contre Daech, Hollande a déclaré lundi 16 qu’il voulait une « grande coalition » contre ce dernier… exactement celle que les États-Unis cherchent à mettre en place.
Dans cette nouvelle unité en train de se consolider, la lutte contre le terrorisme et la barbarie des milices islamistes n’est qu’un prétexte. Pour arriver à stabiliser la région dans leur intérêt, les grandes puissances ont besoin de relais locaux. Il est hors de question pour les États-Unis d’intervenir directement après le fiasco de l’intervention militaire en Irak en 2003. La Russie et la France ont encore moins les moyens de le faire. Les seules forces militaires en présence capables de faire face à Daech sont celles du régime d’Assad, soutenues par l’Iran, et de ses alliés du Hezbollah libanais, auxquelles s’ajoutent les milices kurdes à l’Est. La récente prise de la ville de Sinjar aux forces de Daech par les Kurdes irakiens a mis en évidence la nouvelle efficacité de leurs troupes en coupant la voie principale qui reliait les deux « capitales » de l’organisation, Raqqa en Syrie et Mossoul en Irak.
Après avoir déstabilisé toute cette région, les puissances impérialistes cherchent une solution politique. Après avoir joué avec le feu, les pompiers pyromanes tentent de sortir la lance à incendie… jusqu’à ce qu’ils ressortent les allumettes.