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- Lutte ouvrière n°2470
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Dans le monde
Espagne : en Catalogne, radical ou non, le nationalisme est une impasse.
Il y a deux mois, les élections au Parlement régional de Catalogne ont donné la majorité des sièges aux représentants des partis indépendantistes qui, en voix, ont frisé la majorité absolue. Mais le problème du futur statut de cette autonomie (un terme qui en Espagne désigne les grandes régions) et de ses relations avec le reste de l’État espagnol est loin d’être réglé.
En effet, pour que le nouveau Parlement régional fonctionne, il faut qu’il choisisse en son sein un président, élu à la majorité absolue. Or, à ce jour, Artur Mas, le président sortant, un politicien de droite, réactionnaire, lié aux milieux d’affaires et impliqué dans des circuits de corruption, peut compter sur les élus de la coalition des partis indépendantistes traditionnels Junts pel Si (Ensemble pour le oui – le oui à l’indépendance ). Mais leurs 62 voix ne suffiront pas. Il lui faut, pour obtenir la majorité absolue, les voix de plusieurs autres parlementaires.
Cet appui, Artur Mas ne peut espérer le gagner que du côté de l’autre courant indépendantiste, la CUP (la Candidature d’unité populaire) qui se situe à l’extrême gauche et a obtenu un succès sur le plan électoral, puisqu’avec 336 375 voix il a obtenu 10 sièges. Or, si les dirigeants de ce courant qui se définit comme anticapitaliste et indépendantiste se sont dits prêts à voter pour un représentant de Junts pel Si, ils refusent jusqu’à présent de voter pour Artur Mas, qu’ils jugent trop compromis, même si leur refus entraîne une annulation des élections du 27 septembre.
Jusqu’à présent donc, malgré des hésitations, les dirigeants de la CUP ne veulent pas reculer face au chantage d’Artur Mas et de politiciens indépendantistes de Junts pel Si. La CUP a remporté son succès en faisant campagne sur la dénonciation des injustices, du chômage, des restrictions budgétaires, et en imputant la responsabilité de cette situation à la mainmise du pouvoir de l’État espagnol sur la Catalogne. Ses dirigeants ont aussi dénoncé la responsabilité d’Artur Mas qui, en tant que président de la région, a laissé faire. Le soutenir maintenant serait un pas qu’ils ont jusqu’à maintenant choisi de ne pas franchir, craignant qu’un tel soutien déçoive nombre d’électeurs et de militants de la CUP. Mais, devant le risque de voir les élections annulées parce que le Parlement ne trouve pas de président, ils en sont à chercher un compromis du côté de Mas et de ses alliés. Que décideront-ils ? L’avenir le dira.
Mais le problème que pose la politique de la CUP dépasse le terrain institutionnel, car il montre que ceux qui, en Catalogne, entraînent les classes populaires sur la voie du nationalisme en sont réduits à composer politiquement avec les représentants des possédants catalans. Ces possédants, ces capitalistes, veulent mettre la main sur toujours plus de capitaux, et les faire fructifier en exploitant les travailleurs qu’ils voudraient isoler les uns des autres en multipliant les frontières. Et, avec toute cette richesse, ils espèrent pouvoir spéculer plus librement sur les marchés mondiaux.
C’est cet avenir que les nationalistes catalans, fussent-ils radicaux (avec ou sans étiquette d’extrême gauche), préparent. Au contraire de cela, la classe ouvrière ne doit pas se laisser arrêter par les frontières des régions ni des pays. Dans cette période de crise, de Barcelone à Madrid, à Paris, les travailleurs ont intérêt à se donner les moyens de lutter ensemble contre ceux qui utilisent les frontières pour les exploiter plus librement.