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Dans les entreprises
Discriminations à l’embauche : comment “sensibiliser” des patrons ?
Lundi 18 avril, le gouvernement a lancé sa campagne de sensibilisation aux discriminations à l’embauche. Intitulée « Les compétences d’abord », elle décline en plusieurs clips et affiches la différence de réponse des entreprises à deux candidats à l’embauche, l’un aux origines étrangères visibles, l’autre non.
Trop vieux, pas assez sexy (quand il s’agit d’une femme), trop gros, pas assez blanc : les études et les enquêtes réalisées par différents instituts se rejoignent pour pointer les motifs de discrimination à l’embauche qui reviennent le plus souvent.
Un reportage sur D8 a par exemple montré une femme jeune et belle décrochant un long premier entretien et un deuxième rendez-vous dans la foulée. La même jeune femme, en réalité actrice, munie du même CV mais grimée et enlaidie, voyait sa candidature rejetée en à peine dix minutes. Dans son enquête comparative, l’institut Montaigne a mesuré que pour un poste en comptabilité, à diplômes et compétences identiques, un candidat supposé catholique devait envoyer 4 à 5 CV avant de décrocher un entretien, contre 20 CV pour le candidat supposé musulman.
Pour sensibiliser aux discriminations à l’embauche, le gouvernement a également annoncé une opération de testing à grande échelle. Il s’agit d’envoyer à des entreprises publiques et privées de plus de 1 000 salariés, choisies au hasard, deux CV identiques quant aux compétences, mais dont l’un appartient à un candidat pouvant être discriminé en fonction de son âge, de sa couleur de peau ou de son origine. Les résultats de ce test devraient être connus en septembre et Myriam El Khomri promet de se montrer intraitable envers les entreprises qui seraient alors reconnues coupables de discrimination. « Je leur demanderai de mettre en œuvre des plans d’action très concrets et je n’hésiterai pas à diffuser les noms publiquement en cas d’immobilisme ou de mesures purement cosmétiques », a-t-elle dit.
Quelles seront ces actions très concrètes ? Mystère. La revendication du CV anonyme obligatoire pour les entreprises de plus de 50 salariés, portée par des associations antiracistes et adoptée en 2006 – il y a dix ans !, était restée lettre morte faute de décret d’application, et le gouvernement vient de l’enterrer.
Quant aux mesures à venir, elles seront sans doute bien inoffensives pour les entreprises. Le gouvernement a d’ores et déjà écarté l’idée de réprimer la discrimination, qui est pourtant un délit passible de 45 000 euros d’amende. L’Association nationale des directeurs des ressources humaines s’en félicite car, pour elle, « le testing est un outil pédagogique, qui doit accompagner les entreprises dans une démarche de progrès ».
Au-delà de la dénonciation, il n’y a donc rien à attendre de concret pour que les jeunes diplômés des quartiers n’éprouvent plus le « sentiment d’humiliation terrible » dont parle la ministre du Travail.
El Khomri lance cette campagne au moment où son projet de loi travail est contesté dans la rue par des dizaines de milliers de jeunes et de salariés, diplômés ou non, jeunes et vieux, d’origines diverses. Voilà un moyen autrement plus efficace de lutter pour un autre avenir que celui que gouvernement et patronat préparent à tous les travailleurs.