Les migrants prennent la parole03/05/20162016Journal/medias/journalnumero/images/2016/05/2492.jpg.445x577_q85_box-0%2C104%2C1383%2C1896_crop_detail.jpg

Leur société

Les migrants prennent la parole

Occupé depuis le 21 avril par quelque 150 migrants venus du campement installé sous le métro Stalingrad, le lycée Jean-Jaurès à Paris est sous la menace d’une évacuation décidée par le tribunal administratif de Paris.

La demande en a été faite par Valérie Pécresse, présidente LR de la région Île-de-France. Pour se justifier, elle a avancé qu’on « ne peut pas s’approprier un bien public qui doit être mis à la disposition des ­lycéens », ajoutant que « 10 % des lycées parisiens sont en sureffectif ». Alors que ce lycée est laissé à l’abandon depuis près de cinq ans, elle ne se soucie des jeunes Parisiens que lorsqu’il sert à loger des migrants dans des conditions un peu moins indignes !

Les associations La Chapelle debout ! et le Collectif parisien de soutien aux exilés, qui ont organisé l’occupation, avaient justement choisi cet établissement parce qu’il était vide et situé dans un quartier populaire, où les migrants peuvent trouver un soutien. En outre, ceux qui s’y sont installés ont veillé à ce que le lycée ne soit pas suroccupé, pour que les conditions y restent correctes, à l’intérieur comme à l’extérieur.

La plupart des présents viennent de pays en guerre ou connaissant la famine : Soudan, Érythrée, Somalie, Yémen, Afghanistan, etc. Dans un tract qu’ils ont distribué, donnant un compte-rendu de l’assemblée générale qu’ils avaient tenue, ils ont tenu à rappeler que, quelle que soit leur nationalité, ils sont tous unis dans la même situation d’urgence. En voici des extraits :

« Il est crucial qu’il n’y ait aucune distinction de nationalité entre nous : nous avons chacun de bonnes raisons d’avoir quitté nos pays respectifs. Nous ne pouvons admettre la notion qu’une nationalité aurait plus ou moins le droit d’obtenir l’asile. Nous refusons d’être divisés. […] La demande d’asile de nombreux Soudanais a été refusée par l’Ofpra (Office français de protection des réfugiés et apatrides), les forçant à dormir dehors dans des parcs. Nous fuyons tous de violents conflits et on ne peut être traité à la légère. Personne ne vient ici par plaisir et nous refusons qu’un jugement soit établi sur les raisons de notre départ. Nous avons tous abandonné derrière nous ce qui nous était précieux. Si nous sommes là, c’est parce que nous n’avons pas d’autre choix. […]

La demande d’asile est une longue route faite de luttes, nous menant d’un tribunal à un autre, d’un bureau à un autre, avec personne pour nous guider ou nous informer. Sans assistance, la complexité des démarches rend impossible toute demande d’asile. Il n’est pas normal que la procédure soit si longue. Il devrait y avoir des légistes capables de nous défendre et de faire en sorte que certaines procédures ne soient sans fin et inutilement répétées. […] Puisque nous sommes en France et que nous formulons notre demande d’asile auprès de l’État, pourquoi nous renvoie-t-on systématiquement vers les associations non-gouvernementales ?

[…] En ce qui concerne les logements proposés, nous pouvons affirmer que certains sont pires que la mer à laquelle nous avons échappé. Le racisme est présent dans de nombreux centres et, dans certains, on nous refuse le droit d’aller et venir, la possibilité de faire connaître nos conditions de vie et chaque demande nous ramène à l’Ofpra, sans la moindre marge de manœuvre. Si cette dernière rejette des dossiers, leurs auteurs finissent à la rue. »

Partager