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Italie : les Cinq étoiles n’iront pas à l’assaut du ciel
On votait dimanche 19 juin dans 126 villes d’Italie où deux candidats étaient encore en ballotage pour remporter la mairie. Mais c’est le résultat de deux de ces villes qui a fait les gros titres. Car à Rome et à Turin, ce sont les candidates du Mouvement 5 étoiles, le M5S de Beppe Grillo, qui l’ont emporté, devançant largement les candidats du parti au pouvoir, le Parti démocrate (PD).
Conformément au credo de l’organisation de l’ex-comique, Virginia Raggi à Rome et Chiara Appendino à Turin ont fait campagne sur ce qui est censé les différencier des hommes politiques corrompus des vieux partis traditionnels. L’une, avocate, et l’autre, chef d’entreprise, font certes partie de l’élite, mais, assurent-elles, d’une élite aux mains propres et au cœur d’or, qui promet la transparence aux citoyens, par exemple en mettant en ligne sur Internet les dépenses de la commune pour que « chaque citoyen sache où va son argent ».
Le rejet du Parti démocrate
Sur fond d’abstention massive, elles ont incarné, pour ceux qui ont choisi de se déplacer pour voter, le dégoût des hommes politiques et de la corruption qui marque la vie politique nationale et locale, et dont Rome a été l’une des dernières illustrations en date avec les révélations de l’affaire « Mafia Capitale ».
Mais c’est aussi le rejet de la politique du gouvernement de Matteo Renzi, dirigeant du Parti démocrate, que les électeurs ont exprimé. Parmi eux, comme l’a dit Fassini, lui-même membre du même parti qui vient de perdre la mairie de Turin : « Il y a ces retraités qui touchent 400 euros par mois et auxquels nous n’avons rien à dire. » Il y a tous les travailleurs dégoûtés par le gouvernement de Renzi. Celui-ci se vante d’avoir permis la création de dizaines de milliers d’emplois grâce au Jobs Act, la version italienne de la loi travail, qui généralise en fait la précarité des emplois et n’offre pas plus de perspectives de s’en sortir. Face à cette réalité, les vantardises permanentes de Renzi ne passent plus. C’est dans les quartiers populaires que le désaveu du PD est le plus visible, qu’il se traduise par le vote M5S ou par l’abstention, qui atteint presque 50 % à Rome.
Du côté des électeurs de droite, le parti de Berlusconi tout comme la Ligue xénophobe de Salvini ont invité à voter pour ces candidates M5S afin de faire tomber le Parti démocrate. Ils n’ont pas eu à se renier, tant le discours sur l’immigration des Cinq étoiles est ambigu et reprend volontiers l’idée que l’Italie ne peut pas accueillir toute la misère du monde.
Les intérêts des travailleurs à la trappe
Si les toutes nouvelles élues de Rome et de Turin disent vouloir « faire de la politique autrement », elles n’ont pourtant pas de recettes très éloignées de celles de la « caste politicienne » qu’elles dénoncent tant. À mots plus ou moins couverts, Virginia Raggi, désormais maire de la capitale, a expliqué que pour faire des économies afin de résorber l’énorme dette de la ville, il faudra des sacrifices. Qui les fera ? Beppe Grillo lui-même avait donné la réponse dans une interview le 11 avril dernier : « À Rome, il faudra forcément supprimer des emplois dans les services communaux. (…) Il y aura, et les Romains doivent le savoir, des grèves et des gens qui viendront manifester à la mairie pour demander pourquoi ils perdent leur emploi. »
Cette politique a d’ailleurs déjà été mise en œuvre par le M5S. À Parme, Federico Pizzarotti, élu maire Cinq étoiles en 2012, a mis en place un programme d’économies sur les salaires et les primes des employés communaux. Devant leur mouvement de protestation, il avait parlé de « manifestations d’un autre âge, orchestrées par des syndicats qui appartiennent également au passé ». C’est d’ailleurs l’un des refrains du Mouvement en ce qui concerne la politique sociale : pour lui les syndicats, tout comme les partis, sont des organisations du passé qui n’ont plus leur place dans le monde moderne.
Jeune, moderne et branché sur le Net, le Mouvement Cinq étoiles se prétend anti-système, mais depuis son succès aux élections législatives de 2013, il s’est bien intégré au jeu parlementaire en se présentant comme le parti des honnêtes citoyens. En réalité, il est en phase avec une petite bourgeoisie qui fait elle aussi les frais de la crise et qui en veut à la « vieille caste », en politique comme ailleurs, de ne lui laisser aucune place. En l’absence d’autres perspectives politiques, il attire aussi les votes d’une fraction des travailleurs désespérés par la situation, déboussolés, ou qui souhaitent simplement envoyer paître tous les autres.
Tous ceux qui espèrent voir le « système » changer avec ces nouveaux venus en politique en seront pour leurs frais. Car derrière les discours sur la « nouvelle ère qui commence », pas un mot et pas un acte des élus Cinq étoiles ne vont dans le sens de la défense des intérêts vitaux des travailleurs, et encore moins de la remise en cause de l’ordre social et économique de la bourgeoisie.