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Jean-Pierre Mercier : comment se fabriquent les profits
Avant Nathalie Arthaud, c’est Jean-Pierre Mercier, ancien ouvrier de l’usine PSA d’Aulnay-sous-Bois aujourd’hui à celle de Poissy, qui est intervenu, donnant notamment un aperçu des conditions de travail en usine :
« Non seulement la rémunération globale des salariés a baissé, mais le temps de travail, le temps passé sur la chaîne, augmente.
À PSA, le patron a inventé la GJP, la garantie journalière de production. Le raisonnement patronal est simple : il nous embauche pour faire 364 voitures en 7 heures, il lui faut 364 voitures, quitte à nous faire travailler plus longtemps dans la journée.
La moindre panne amène un rattrapage minimum de 10 minutes. Ces 10 minutes sont d’abord prises sur les 31 minutes de la pause repas, qui tombe à 21 minutes. Imaginez ! Il ne vous reste que 21 minutes pour aller vous laver les mains, aller aux toilettes, faire chauffer votre gamelle au micro-ondes, l’avaler au bord de la chaîne et, à la sonnerie, courir pour reprendre le poste.
Si les pannes sont plus importantes ? En plus des 10 minutes prises sur la pause repas, ce sont 10, 20 ou 30 minutes supplémentaires qu’il faut faire à la fin de l’équipe, en n’étant évidemment prévenus qu’au cours de la journée que l’on sera libéré 30 minutes plus tard.
Quant à l’intensité du travail, elle a explosé. Dans toutes les usines, le patron a bouleversé l’approvisionnement des pièces, pour les rapprocher au plus près de l’ouvrier de chaîne. Car les quelques pas que faisait l’ouvrier les mains vides pour aller prendre les pièces dans le bac étaient considérés par le patron comme du temps perdu. Pour l’ouvrier, c’était ce que les médecins du travail appelaient les micro-pauses où, pendant quelques fractions de seconde, les muscles, les tendons, les articulations des poignets, des coudes et des épaules se reposaient.
Désormais, les pièces sont livrées à quelques centimètres de l’ouvrier, pratiquement dans ses mains. Ce temps gagné à chaque poste, mis bout à bout, a eu comme conséquence la suppression de dizaines de postes le long de la chaîne.
C’est avec ce genre de méthode que, dans toutes les usines, les patrons obtiennent une production équivalente voire supérieure avec moins de travailleurs. Au final, ce sont des millions d’euros qui sortent directement des muscles de chaque ouvrier.
Oui, quand on dit que l’ouvrier fabrique le profit avec sa sueur et ses muscles, ce n’est pas qu’une formule, c’est la réalité ! »