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Affaire Lagarde : un panier de crabes
Christine Lagarde, actuelle directrice du Fonds monétaire international (FMI) et ancienne ministre de l’Économie de Nicolas Sarkozy, a comparu devant la Cour de justice de la République pour négligences lors de l’affaire opposant Bernard Tapie à l’État depuis maintenant vingt-quatre ans.
En 1992, l’affairiste Bernard Tapie était la coqueluche de la gauche et était entré pour la seconde fois comme ministre de la Ville dans le gouvernement Bérégovoy. Il avait alors revendu pour l’équivalent de 300 millions d’euros au Crédit lyonnais, alors banque publique, la société Adidas qu’il venait d’acheter, comme tant d’autres, pour une bouchée de pain. Deux mois plus tard, la banque la revendait pour l’équivalent de 700 millions d’euros et Bernard Tapie, en bon escroc détroussé par plus voleur que lui, criait au scandale et réclamait des indemnités.
Ce fut le début d’une série de rebondissements judiciaires qui auraient dû aboutir en 2008 à un procès en bonne et due forme. C’est là qu’intervint Christine Lagarde. En tant que ministre des Finances, elle accepta un arbitrage accordant à Bernard Tapie 403 millions d’euros d’indemnité, une somme jugée bien plus élevée que celle à laquelle aurait abouti un procès. Entre-temps Bernard Tapie avait appelé à voter Sarkozy, et celui-ci était désormais au pouvoir.
Le terme de négligence semble bien léger, vu la somme dont Lagarde a fait cadeau à Bernard Tapie. L’arbitrage a d’ailleurs été annulé en décembre 2015 pour fraude, et six personnalités ont été mises en examen pour escroquerie en bande organisée, dont l’ancien directeur de cabinet de Christine Lagarde, ainsi que Bernard Tapie, son avocat et l’un des juges qui avaient rendu l’arbitrage. Mais Christine Lagarde, elle, prétend qu’elle ne savait rien, voire qu’elle avait été abusée. Elle s’appuie notamment sur le fait que les négociations avaient commencé à la demande de l’Élysée avant qu’elle soit ministre, et que Bernard Tapie entretenait des relations personnelles avec Sarkozy, ainsi qu’avec le secrétaire général de l’Élysée Claude Guéant et le prédécesseur de Christine Lagarde au ministère, Jean-Louis Borloo.
L’affaire montre en tout cas comment se règlent les affaires entre capitalistes et dirigeants politiques. Si un affairiste de petite envergure comme Tapie n’a qu’à pousser la porte de l’Élysée pour obtenir des centaines de millions d’argent public, qu’en est-il des dirigeants des grands trusts ?