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Procès AZF : 15 ans après, Total joue toujours la montre
Le procès en appel d’AZF en est à sa 17e semaine, suite à la cassation obtenue par Total du précédent jugement, qui avait condamné le directeur de l’usine et la filiale.
Les audiences ont lieu à Paris et elles sont retransmises en direct dans une salle à Toulouse. Tous les jours y assistent plusieurs centaines de personnes (jusqu’à 800 parfois), pour l’essentiel des victimes de l’explosion et parties civiles dans le procès en cours.
L’explosion de l’usine AZF avait détruit une partie des quartiers populaires de Toulouse, faisant 33 morts, des milliers de blessés et des dizaines de milliers de sinistrés. C’était il y a près de seize ans.
Les avocats de Total essaient, comme lors des procès précédents, de déstabiliser les témoins à charge et de discréditer les résultats des expertises scientifiques. Ils ont évoqué également les pistes intentionnelles, voire terroristes, les plus farfelues. Pourtant, bien des témoignages ont prouvé que c’est la recherche du profit maximum au mépris des règles de sécurité, les réductions d’effectifs, l’usage incontrôlé de la sous-traitance, la non-maîtrise des déchets qui ont créé les circonstances menant à l’explosion de l’usine.
La 15e semaine de ce procès fleuve était consacrée à l’audition des parties civiles qui le souhaitaient. Plusieurs membres de l’Association des sinistrés du 21 septembre 2001 se sont donc exprimés. L’une de ses adhérentes a évoqué la lutte des sinistrés contre Total et le rôle de son président Jean-François Grelier, décédé en novembre dernier. Elle a été très applaudie par les centaines de sinistrés présents lors de la retransmission à Toulouse :
« Nous les sinistrés, il a toujours fallu que nous nous battions. Rien ne nous a été donné. Il a fallu gagner le droit de ne pas être des invisibles.
Nous nous sommes rassemblés d’abord au sein du collectif des Sans-Fenêtres et ensuite au sein de l’Association des sinistrés du 21 septembre créée en 2001. Cette association a constitué et déposé plus de 18 000 dossiers corporels entre 2001 et 2004 et a traité 1940 nouvelles demandes en 2005 (...)
L’État, en refusant de prendre en charge directement les travaux, a traité la catastrophe comme un simple dégât des eaux et chacun a dû se débrouiller pour trouver des aides et des solutions. Des familles ont passé un hiver, voire deux, protégées seulement par des bâches. D’autres ont créé le collectif des Mobile-Homes… Devant chaque problème, chaque difficulté, il a fallu manifester, protester, se mobiliser : contre les services de l’État qui n’étaient pas à la hauteur, contre les services de Total qui marchandaient les indemnités au minimum, sur l’évaluation des handicaps, sur la réalité et l’étendue des préjudices… L’irresponsabilité des uns et le mépris des autres ont été révoltants. »
Pour conclure : « Et que penser de la direction d’un grand groupe international comme Total, qui affirme sans rire, après plus de quinze ans d’investigations, de recherches, qu’il ne sait toujours pas pourquoi une de ses usines a explosé en dévastant une ville entière ? Ils ne savent pas ? Eh bien cela signifie que ces gens-là sont dangereux, et qu’il faut au minimum leur enlever l’accréditation de diriger des entreprises de catégorie Seveso 2. »
Mais, comme le disait Jean-François Grelier, l’expropriation reste encore le meilleur remède à cette maladie qui s’appelle « le profit avant tout ».