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Leur société
Prisons : les grilles n’ont pas de bon côté
L’agression préméditée de quatre gardiens par un détenu, à la prison de Vendin-le-Vieil dans le Pas-de-Calais, et le peu de réaction du ministère ont mis le feu aux poudres. Lundi 15 janvier, devant la quasi-totalité des centres de détention, les gardiens protestaient contre leurs conditions de travail, interpellaient ministres et responsables, demandaient des emplois, des moyens, des protections.
Les gardiens ne veulent pas, quoi de plus normal, travailler sous tension, risquer leur santé, avoir peur pour leur vie, pour gagner, difficilement, de quoi subsister. Le fait que le détenu de Vendin-le-Vieil soit un islamiste voulant éviter une extradition aux États-Unis ne doit pas masquer la situation générale dans les prisons. C’est cette situation, et non ce cas particulier, qui explique la colère des gardiens.
Il n’y a jamais eu autant de prisonniers en France et jamais autant de prisonniers en surnombre. La surpopulation des prisons, la vétusté de nombre d’entre elles engendrent des conditions de vie insupportables pour les prisonniers. D’après l’Union syndicale des magistrats, classée à droite et peu suspecte de tendresse excessive envers les délinquants ou les prévenus, ces conditions indignes se répercutent sur les conditions de travail et de vie des gardiens.
Le problème n’est pas nouveau. Il va s’amplifiant à mesure que les rapports sociaux se dégradent et se durcissent, fabriquant plus de déviants, plus facilement et plus lourdement condamnés. Il y aurait, aujourd’hui, 90 000 condamnés à des peines de prison en attente d’une place pour effectuer leur temps. Des peines sont commuées et des détenus sont relâchés pour libérer des cellules. Et pourtant, sur 70 000 prisonniers, au moins 15 000 seraient en surnombre par rapport aux places disponibles, couchant sur des matelas posés au sol, enfermés à trois dans neuf mètres carrés toute la journée. L’accès aux sanitaires est réduit pour tous, la promiscuité est la règle. La prétendue mission de réinsertion de la prison est une sinistre plaisanterie. On sort de prison plus violent ou plus brisé qu’on y est entré.
Avant d’être élu, Macron avait promis 15 000 places supplémentaires en prison. Les candidats sur sa droite en avaient évidemment promis encore plus. Devant la colère des gardiens, il a renouvelé sa promesse, l’assortissant de quelques autres et l’entourant des habituels discours. Mais un État qui n’a pas d’argent pour les hôpitaux et pour l’école en trouvera encore moins pour les prisons, la cinquième roue du carrosse, le cul-de-basse-fosse de cette société d’injustice.
Enfermer les délinquants, les fous, les faibles et les brutes que l’oppression, l’arriération et les inégalités produisent en permanence, les entourer de gardiens à peine mieux considérés que ceux qu’ils surveillent, donner aux uns un bol de soupe et des tranquillisants, aux autres un uniforme et un maigre salaire, voilà la seule solution que cette société a à fournir et dont elle charge l’administration pénitentiaire.