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Îles Chagos : les habitants déportés
Du 3 au 6 septembre, se tenait à la Cour internationale de justice à La Haye un procès concernant la souveraineté sur les îles Chagos. Situé dans l’Océan indien, cet archipel sous tutelle britannique, dont fait partie l’île de Diego Garcia, est revendiqué par l’île Maurice.
En 1965, alors que Maurice était en pourparlers avec Londres pour son indépendance, le gouvernement travailliste britannique de l’époque exigea de garder les îles Chagos en échange de l’indépendance mauricienne, effective en 1968. Le projet était la construction d’une base militaire, pour laquelle il fallait faire place nette. Or, trois des 55 îles de l’archipel étaient habitées par quelque 2 000 habitants, décrits alors par le Foreign Office comme « quelques Tarzan et Vendredi ». C’était en réalité des descendants d’esclaves, déportés d’Afrique par les colons pour extraire le coprah des cocotiers, restés sur place à la fin de l’esclavage et vivant des ressources locales.
À la fin des années 1960, la Grande-Bretagne commença à expulser en secret les Chagossiens : ceux qui s’absentaient de l’archipel ne pouvaient plus y retourner, ou encore les importations de provisions se raréfiaient. En 1973, ceux qui demeuraient encore sur place furent sommés de partir avec quelques effets personnels, laissant derrière eux leur habitation, leurs meubles ou leurs animaux domestiques, brûlés par les autorités. Ils furent déportés vers les Seychelles et surtout vers l’île Maurice, où quarante-cinq ans plus tard, ils vivent encore avec leurs descendants, souvent dans la pauvreté, voire dans des bidonvilles.
Après cette sinistre opération, le Royaume-Uni concéda aux États-Unis la plus grande île de l’archipel, Diego Garcia, pour la construction d’une gigantesque base militaire. Celle-ci est aujourd’hui la plus grande base américaine en dehors des États-Unis. C’est de là que partaient nombre des avions qui bombardèrent l’Afghanistan en 2001 puis l’Irak en 2003. L’île fut aussi utilisée par la CIA comme centre d’interrogatoires et de torture de prisonniers capturés en Afghanistan.
Les Chagossiens se sont organisés et militent pour le droit au retour. Sous leur pression, aidés notamment par le groupe Lalit (La Lutte), le gouvernement mauricien a fini par revendiquer sa souveraineté sur l’archipel et le droit au retour des Chagossiens. Depuis des années, le gouvernement britannique multiplie les manœuvres, s’engageant finalement à céder l’archipel lorsqu’il ne sera plus nécessaire à des fins militaires, soit au plus tôt en 2036…
Loin des regards, la déportation des Chagossiens est un des innombrables forfaits contemporains du colonialisme et de l’impérialisme.