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Dans le monde
Soudan : manifestations contre la vie chère et la dictature
Au Soudan, les manifestations contre le dictateur Omar al-Bachir n’ont pas cessé depuis plus d’un mois, malgré la répression. Le mouvement a démarré le 18 décembre dernier à Oumdourman, une ville de plus d’un million d’habitants située sur le Nil en face de la capitale Khartoum, pour protester contre le triplement du prix du pain annoncé le matin même. Nos camarades de l’Union africaine des travailleurs communistes internationalistes (UATCI-UCI) décrivent ainsi son début dans leur journal Le pouvoir aux travailleurs.
« Le soir même de cette annonce, des centaines de personnes, des jeunes pour la plupart, qui sortaient d’un match de football à Omdurman, ont manifesté dans la rue au cri de : “Liberté, paix, justice”. Comme une traînée de poudre, les manifestations ont embrasé presque toutes les grandes villes du pays. Le 20 décembre à Atabara, ville située à l’est du pays, où le siège du parti au pouvoir, le Congrès national, a été incendié, les forces antiémeutes sont intervenues brutalement sur des manifestants ; elles les ont aspergés de gaz lacrymogènes et ont tué deux personnes. Le lendemain à Khartoum, la capitale, des manifestants ont scandé dans les rues des mots d’ordre appelant à la chute du régime. Le 23 décembre, ils ont enflammé des pneus dans des rues d’Oum Rawaba (État du Kordofan, au nord). Le 24 décembre, un groupement de médecins soudanais a appelé à la grève, assurant qu’ils n’interviendraient qu’en cas d’urgence. Le 31 décembre, l’Association des professionnels soudanais (APS) a appelé également la population à manifester en masse dans les rues (...). »
Il n’y a pas que l’augmentation du prix du pain qui étrangle les classes pauvres. L’inflation dépasse les 200 %, les médicaments ont augmenté de plus de 50 % ces derniers mois, l’immense majorité de la population n’a pas de travail, les transports sont inexistants.
La seule réaction d’Omar al-Bachir a été d’envoyer son armée et sa police tirer sur la foule. On décompte aujourd’hui 40 morts, des centaines de blessés, tandis que des milliers d’opposants croupissent dans les prisons du régime. La contestation ne cesse pas pour autant. La population descend maintenant dans la rue tous les jours, et le mouvement s’est étendu jusqu’à des régions éloignées comme le Darfour. Une grande marche des libertés est prévue pour le jeudi 24 janvier.
Le mouvement a rapidement pris une dimension anti-régime, et c’est désormais le départ d’Omar al-Bachir que réclament les manifestants, qui sont appelés dans la rue par l’Association des professionnels soudanais, dont les leaders sont surtout des enseignants, des médecins, des avocats. Et si toute la population se bat aujourd’hui pour le départ d’un dictateur haï, des candidats à sa succession n’ont pas tardé à apparaître, dont les travailleurs ont tout lieu de se méfier, sans parler des chefs militaires qui n’attendent que la chute d’Omar al-Bachir pour prendre sa place. La seule garantie pour la population pauvre réside dans sa mobilisation face à ceux qui veulent juste perpétuer la dictature et la misère derrière un autre personnage à la tête de l’État.