- Accueil
- Lutte ouvrière n°2636
- La mascarade du grand débat et les intérêts des travailleurs
Editorial
La mascarade du grand débat et les intérêts des travailleurs
Pour que le « grand débat national » se substitue, dans les médias, au mouvement des gilets jaunes, Macron et ses ministres en font des tonnes. La mise en scène est soignée, avec des débats de plusieurs heures où, en bras de chemise, ils écoutent patiemment et prennent des notes… Le tout est retransmis en direct à la télévision.
Le cinéma tourne parfois court, comme lors de cette réunion avec des maires d’outre-mer où Macron s’est exaspéré des trop nombreuses interventions de ceux qu’il appelle avec condescendance « les enfants »… Mais pour le pouvoir, ces petites contrariétés valent toujours mieux que la colère des gilets jaunes.
Cette colère populaire continue de s’exprimer, tous les samedis. Elle est alimentée par l’hypocrisie du gouvernement, qui prétend redonner la parole au peuple mais qui limite de plus en plus le droit de manifester. Que ce soit en usant des violences policières pour mettre fin aux rassemblements, ou avec sa loi prétendument anticasseurs, mais qui cible en réalité la liberté de manifester.
Pour mettre fin à la contestation, Macron aurait décidé de jeter un nouvel os à ronger : un référendum. Celui-ci viendrait conclure le grand débat et serait la preuve de la bonne foi du gouvernement : les citoyens auraient non seulement la parole mais aussi le pouvoir de décider. Après la mascarade du grand débat, le leurre du référendum !
Avec des questions multiples du genre : « Doit-on réduire le nombre de parlementaires ? », « Faut-il limiter le cumul des mandats dans le temps ? », Macron veut entretenir la fiction démocratique à bon compte, puisque tous ces changements étaient prévus dans la prochaine réforme des institutions.
Peut-être pourra-t-il aussi introduire des questions touchant à la répartition des impôts. Tant qu’il s’agit de répartir les efforts au sein des classes populaires, Macron peut bien accepter quelques variations.
Mais il y a une chose qu’il n’acceptera jamais, et sur laquelle il ne demandera pas notre avis, c’est de faire payer la grande bourgeoisie. C’est tout le problème, car la condition ouvrière ne peut progresser sans toucher aux profits et au pouvoir de cette classe.
Au nom de la compétitivité, toutes les entreprises suppriment les emplois, font pression sur les salaires, aggravent les cadences et la flexibilité. Et cela vaut aussi pour les services publics, pour La Poste, les hôpitaux, que l’État ne peut plus financer correctement parce qu’il consacre de plus en plus d’argent à soutenir le grand capital. Autrement dit, le monde du travail est écrasé par le rouleau compresseur du grand capital. Et ce n’est pas la révision des institutions qui changera cela.
Pour faire valoir leurs revendications, les travailleurs ont intérêt à compter sur leurs propres moyens d’expression et d’action.
Au 1er février, la grande distribution a augmenté de nombreux prix alimentaires de 3 % à 6 % au prétexte qu’ainsi les agriculteurs seront mieux rémunérés. On peut douter que l’argent aille dans leurs poches. Toujours est-il qu’il faudra payer plus pour acheter du fromage ou du lait. Les sociétés autoroutières augmentent leur racket de 1,9 %. Et c’est sans compter la hausse des loyers et autres charges incompressibles que sont le gaz et l’électricité. Eh bien, puisque les prix augmentent, les salaires et les pensions doivent suivre !
Six millions de femmes et d’hommes n’ont même pas le droit de travailler pour gagner leur vie. Et les fermetures d’usines se poursuivent, y compris dans des firmes richissimes. Il faut un emploi pour chacun. Et s’il n’y a pas assez d’emplois, il faut répartir le travail entre tous.
Mais pour imposer ces revendications, il faudra se battre. Et pour cela il faudra que les travailleurs des grandes entreprises se lancent dans le combat en faisant grève. Cela ne se décrète pas et n’est pas chose facile. Mais les travailleurs ne feront pas l’économie d’un tel combat.
Mardi 5 février, la CGT appelait à faire grève et à manifester. Cet appel est arrivé tard après la bataille car, quand le mouvement des gilets jaunes était à son pic, la CGT comme les autres confédérations syndicales refusaient de s’y associer.
Les travailleurs qui ont répondu présent en participant à cette journée d’action l’ont fait à juste titre. Ils ont ainsi affirmé leur conviction que seule la grève peut toucher le grand capital en plein cœur et le faire reculer. Ce combat ne fait que commencer.