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Soudan : un accord qui laisse le pouvoir aux militaires
Un accord a été signé le 5 juillet entre l’opposition civile, représentée par l’Alliance pour la liberté et le changement, et les dirigeants de la junte militaire soudanaise. Sous couvert d’instituer un partage du pouvoir, il s’agit en fait d’un marché de dupes qui laisse tous les pouvoirs entre les mains de l’état-major.
Cet accord prévoit que le pays sera dirigé pendant trois ans par un conseil souverain, constitué à parité de cinq chefs militaires et de cinq représentants civils. Un onzième membre en prendra la tête, alternativement un militaire et un civil. Mais dans la réalité l’état-major s’est arrogé cette présidence pour les vingt et un premiers mois, ce qui montre bien quel rapport de force il entend instaurer dans cet organe et dans le pays. Alors que les dirigeants de l’opposition civile avaient posé comme préalable à la reprise des négociations l’arrestation et le jugement des auteurs du massacre du 3 juin, leur chef, le général Hemetti, demeure le numéro deux de la junte. Les milices des Forces de soutien rapide, qu’il est le seul à contrôler, patrouillent toujours dans les rues, prêtes à recommencer leurs exactions.
Pourtant, après le massacre du 3 juin, la population soudanaise n’a pas renoncé à se battre et à relever la tête. Le dimanche 30 juin, à l’appel de l’Alliance pour la liberté et le changement, des centaines de milliers de Soudanais sont descendus dans les rues, bravant les menaces de répression. Ils se sont regroupés devant les habitations des victimes du 3 juin, avant de se diriger vers des points de rassemblement. L’état-major n’a cette fois pas donné l’ordre d’ouvrir le feu à ses hommes de main, mais il a arrêté les manifestants avant qu’ils n’atteignent les lieux stratégiques qu’ils auraient pu à nouveau occuper en permanence. Ceux-ci criaient toujours « Tout le pouvoir aux civils » et « Dégage, et c’est tout » à destination de la junte militaire. Mais, pour les dirigeants de l’Alliance pour la liberté et le changement, il s’agissait comme depuis le début du mouvement d’utiliser la pression populaire pour que la junte militaire accepte un compromis leur faisant une place. Une politique suicidaire qui avait déjà abouti au massacre du 3 juin.
Ce compromis désormais adopté, l’Alliance pour la liberté et le changement se réserve maintenant le rôle peu glorieux de le faire accepter à la population et prévoit d’organiser des réunions publiques à cet effet. Aucun des problèmes pour lesquels les travailleurs soudanais se sont mis en mouvement en décembre dernier n’est pourtant résolu. La catastrophe économique atteint des sommets, les prix en augmentation permanente étranglent la population pauvre et le poids de la dictature militaire et de la corruption qui l’accompagne est plus présent que jamais. En acceptant à leurs côtés quelques civils pour gérer cette situation dramatique, les militaires espèrent sans doute que l’Alliance pour la liberté et le changement, qui s’est hissée à la tête du mouvement, en sortira déconsidérée, démoralisant les manifestants qui avaient cru en elle et ouvrant la voie à une totale reprise en main par l’armée. Mais une autre issue existe, celle que pourraient ouvrir les travailleurs soudanais en refusant ce marché de dupes avec leurs bourreaux, et en constituant à travers le mouvement qui persiste une organisation capable d’entraîner l’ensemble des couches populaires dans une lutte pour renverser toute forme de dictature militaire et faire prévaloir les intérêts des exploités.