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Leur société
Sanofi : les ravages de la maladie du profit
Depuis les débuts de la crise sanitaire, d’annonce en annonce, Sanofi révèle, s’il existait encore un doute à ce sujet, la vraie nature de cette industrie dite de la santé : pour ce secteur, capitaliste comme les autres, même la crise sanitaire peut être une aubaine.
Au mois de mai, le directeur de Sanofi annonçait tambour battant que, si le laboratoire mettait au point un vaccin contre le Covid-19, celui-ci serait d’abord et avant tout délivré aux États-Unis. Pourquoi ? Parce que ceux-là avaient payé d’avance en attribuant une enveloppe de 460 millions !
Après s’être emberlificoté dans de sombres explications selon lesquelles il aurait été mal compris, le même directeur annonce aujourd’hui 1 700 suppressions d’emplois dans le groupe en Europe, dont un millier en France. La raison n’est pas que ça va mal, au contraire, puisqu’au premier trimestre 2020, grâce à l’épidémie et notamment aux ventes record de Doliprane, le chiffre d’affaires, 9 milliards d’euros, a augmenté de près de 7 % par rapport au même trimestre de 2019. Et en 2019 ça allait déjà très bien, avec un chiffre d’affaires de 36 milliards d’euros, et 4 milliards viennent d’être reversés sous forme de dividendes aux actionnaires.
Cela va d’autant mieux que des flots d’argent public inondent Sanofi. Le laboratoire devrait être le principal bénéficiaire des 200 millions d’euros promis par Macron pour la relocalisation du paracétamol. C’est sans compter les millions reçus d’autres États sous forme d’aides à la recherche pour un vaccin contre le coronavirus et sans compter non plus les 120 millions d’euros de crédit d’impôt recherche empochés chaque année par le trust depuis des années.
Tout va très, très bien, mais c’est justement pour que cela aille encore mieux, c’est-à-dire pour que les résultats financiers soient encore meilleurs, que Sanofi a mis en place un nouveau plan. Annoncé en décembre dernier, celui-ci prévoit 2 milliards d’euros d’économies d’ici 2022, au prétexte de l’abandon des activités sur le diabète et les maladies cardiovasculaires et du « recentrage » de ses activités.
L’objectif, dit le président de Sanofi France, est de « positionner Sanofi parmi les leaders mondiaux de l’innovation par la science. (…) S’imposer comme un leader biopharmaceutique français, européen et mondial à l’horizon 2022-2025. » C’est clair, dans la lutte entre les mammouths de la pharmacie, Sanofi a décidé de gagner, c’est-à-dire d’être encore plus profitable que les autres.
Fini donc les médicaments contre le diabète, l’hypertension artérielle et autres maladies cardiovasculaires. S’ils constituèrent en leur temps, au temps de leur découverte, de véritables pactoles, leurs brevets sont aujourd’hui tombés dans le domaine public et ils ne rapportent plus assez. Il faut donc pour Sanofi sortir de nouveaux médicaments, pas en mettant en commun l’activité et les connaissances des nombreuses équipes de recherche qui s’activent aux quatre coins du monde, mais en étant les premiers à découvrir, les premiers à déposer le brevet qui assurera la richesse des actionnaires.
Alors, le plan taille dans les effectifs de recherche, dans les fonctions support, l’informatique, les sièges sociaux. Rien qu’en France, un millier d’emplois devraient disparaître.
Play to Win, ce qui signifie littéralement « Jouer pour gagner », telle est l’appellation et l’objectif du nouveau plan, d’un cynisme total. Mais c’est la règle, c’est la loi, dans un système économique où seul compte l’intérêt privé, où les médicaments sont une marchandise comme une autre, une marchandise dont les effets thérapeutiques ne sont en quelque sorte qu’un effet secondaire.