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Mali : les manœuvres de l’impérialisme français
Depuis le coup d’État militaire qui a renversé le président malien Ibrahim Boubacar Keïta le mardi 18 août, la junte ne cesse d’affirmer qu’elle rendra le pouvoir aux civils à l’issue d’une période de transition. Mais nul ne peut dire si elle le fera vraiment ni dans quel délai.
Pour l’instant, les chefs militaires du Comité national de salut du peuple (CNSP) qui dirigent le pays tiennent à apparaître ouverts à toutes les discussions et rencontrent toutes les forces politiques. Ils savent que la colère qui s’est emparée de la population ces derniers mois a des racines profondes, et qu’elle ne va pas disparaître uniquement parce qu’ils ont renversé Ibrahim Boubacar Keïta. La corruption, la misère dans laquelle les travailleurs et leurs familles sont forcés de survivre, l’impuissance de l’État face à l’insécurité généralisée ont fait descendre dans la rue des foules de plus en plus nombreuses, un mouvement qui menaçait d’emporter le régime.
À l’échelle internationale aussi, les militaires veulent donner des gages de bonne volonté. Ils ont affirmé dès le début que les engagements internationaux du Mali seraient tenus, c’est-à-dire que l’armée française, et derrière elle l’impérialisme, pourrait continuer à faire ce qu’elle veut dans le pays. La position du gouvernement français s’est rapidement assouplie. Après tout, ce coup d’État pourrait être un moindre mal pour la France : il vaut mieux que l’ex-président ait été renversé par ces militaires apparemment pleins de bonnes intentions à l’endroit de l’impérialisme que par un mouvement populaire à l’issue imprévisible.
La Communauté économique des États d’Afrique de l’Ouest, qui regroupe notamment les pays voisins, a pour sa part décrété la fermeture des frontières avec le Mali et a frappé le pays d’embargo. Ces chefs d’État n’ont aucune envie que la série des coups d’État s’étende chez eux. Pour la population d’un pays totalement enclavé comme le Mali, c’est une véritable catastrophe. Les produits de première nécessité importés n’arrivent plus, ceux produits au Mali voient leur prix augmenter, les éleveurs ne peuvent plus vendre leur bétail dans les pays voisins. C’est d’autant plus grave que cette fermeture des frontières suit de quelques mois celle qui avait été imposée à cause de l’épidémie de coronavirus et en aggrave les conséquences.
Aujourd’hui, toutes les tractations ont pour objet la durée de la période de transition jusqu’aux élections censées rendre le pouvoir aux civils, un, deux ou trois ans, mais aussi sur le type de personnalité qui la dirigera : un civil ? un militaire ? un militaire à la retraite, pour satisfaire tout le monde ? Mais ce qui est certain c’est que les travailleurs auraient bien tort de s’en remettre aux militaires. La junte est composée d’officiers supéreiurs. Le colonel Assimi Goïta, son dirigeant officiel, est le chef des forces spéciales. Son porte-parole, qui a lu la déclaration le jour du coup d’État, Ismaël Wagué, est le chef d’état-major de l’armée de l’air. Tous étaient partie prenante du système de corruption au sommet duquel trônait Ibrahim Boubacar Keïta. Tous aussi ont couvert les exactions de l’armée malienne contre les populations civiles.
Quant aux hommes politiques auxquels de futures élections pourraient permettre un jour d’accéder au pouvoir, ils ne valent guère mieux. Ibrahim Boubacar Keïta lui-même, aujourd’hui honni, était issu d’un tel processus en 2013, après la période de transition qui suivit le coup d’État ayant renversé Amadou Toumani Touré et déboucha sur des élections pilotées par la France et ses alliés régionaux.
Aujourd’hui, la seule garantie pour les travailleurs est de ne compter que sur eux-mêmes en se donnant leurs propres organisations.