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- Lutte ouvrière n°2750
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Il y a 150 ans, la commune
Des combattants de tous les pays
La Commune de Paris fut un soulèvement populaire dans lequel s’engagèrent logiquement les nombreux travailleurs d’origine étrangère qui peuplaient la capitale. Ils y trouvèrent toute leur place.
Paris, ville d’une immigration essentiellement économique, comptait, à la fin du Second Empire, peut-être 200 000 étrangers : en premier lieu des Belges et des Allemands (dont une partie quittèrent la ville lors de la guerre franco-prussienne), des Suisses, des Luxembourgeois, des Italiens… Un certain nombre de provinciaux (Alsaciens, Savoyards…), pas toujours francophones, étaient souvent vus comme des étrangers. La capitale accueillait également environ 4 000 Polonais en exil, qui avaient fui la répression des insurrections de 1831, 1846 et 1862 pour une Pologne indépendante.
Dans le contexte de la guerre, une partie des communards exprimaient leur patriotisme, lié à leur volonté de défendre une République, dont ils voulaient qu’elle soit une république sociale. Ils se souvenaient bien sûr des guerres de la Révolution française contre les puissances monarchiques.
Mais la Commune considérait aussi que son drapeau était « celui de la République universelle ». Elle donna logiquement aux étrangers qui la servaient le droit d’être élus, « car toute cité a le droit de donner le titre de citoyen aux étrangers qui la servent ». Par ailleurs, elle leur accorda les mêmes droits sociaux qu’aux Français : accueil dans les écoles publiques, bénéfice des allocations aux familles des gardes nationaux. Le militant de l’Internationale Jules Nostag écrivait ainsi : « Les patries ne sont plus que des mots. Naître ici ou là, du seul fait du hasard, des circonstances, change notre nationalité, nous fait amis ou ennemis ; répudions cette loterie stupide. … La France est morte, vive l’humanité ! » (16 avril 1871, cité par Julien Chuzeville, Léo Frankel, Éditions Libertalia, 2021, p. 52).
Le plus connu des communards étrangers est le Hongrois Léo Frankel, délégué au Travail. Les Belges furent particulièrement nombreux parmi les communards ; mais les Italiens, les Luxembourgeois, les Suisses, les Polonais étaient également plusieurs centaines. Des militants de l’Association internationale des travailleurs (AIT) participèrent à la lutte, de même que bien d’autres comme Joseph Lucien Combatz. Né en Savoie avant que celle-ci fût annexée par la France, il avait combattu avec Garibaldi pour l’unité italienne, ainsi que dans une insurrection républicaine en Espagne en 1869. Il fut nommé brièvement directeur des télégraphes de la Commune puis prit part aux combats.
Des Polonais jouèrent un rôle important, en particulier dans les combats, où leur expérience militaire était précieuse. Des trois armées de la Commune, deux étaient commandées par Jaroslaw Dombrowski et Walery Wroblewski, qui avaient participé au soulèvement polonais de 1862-1863. Dombrowski, 35 ans, proposa d’attaquer tout de suite Versailles, ce qui ne fut pas fait et que la Commune paya chèrement. Il joua ensuite un rôle essentiel dans l’organisation de l’armée de la Commune, et acquit une grande popularité. Après avoir défendu l’ouest de Paris contre les Versaillais, il fut mortellement blessé le 24 mai sur une barricade du 18e arrondissement. Quant à Wroblewski, il organisa la résistance au sud de Paris, puis place du Château d’Eau (aujourd’hui place de la République), avant de réussir à se cacher et à gagner l’Angleterre, où il fut membre du Conseil général de l’AIT.
La presse versaillaise se moquait de l’implication des « Polonais interlopes » (Le Figaro). Plus généralement, la Commune fut accusée d’être un ramassis d’étrangers, une « nuée de sauterelles cosmopolites [qui s’est abattue] sur la France ». Le journal Le Gaulois écrivait le 20 avril : « Paris est au pouvoir de l’insurrection, mais l’insurrection est au pouvoir de l’étranger .» Pendant les exécutions sommaires de la Semaine sanglante, il semble que les étrangers aient été particulièrement visés.
Le mouvement ouvrier international se solidarisa sans tarder avec l’œuvre du prolétariat de Paris, et en fit son patrimoine. L’AIT et ses différentes sections lui rendaient hommage : « Le Paris ouvrier, avec sa Commune, sera célébré à jamais comme le glorieux fourrier d’une société nouvelle », affirma Karl Marx dans La guerre civile en France, le 30 mai 1871.