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- Lutte ouvrière n°2754
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Leur société
Marins-pêcheurs : hors la fraternité, point de chalut !
Jeudi 6 mai, la Royal Navy britannique a envoyé deux patrouilleurs dans les eaux de Jersey, une des îles anglo-normandes, pour surveiller quelques dizaines de chalutiers français regroupés à l’entrée du port. La gendarmerie française avait elle aussi dépêché un patrouilleur armé.
Des deux côtés du Channel, à en croire les plus excités, on se dirigeait vers le match retour de Trafalgar.
Les pêcheurs français manifestaient devant la mauvaise volonté évidente mise par les autorités de Jersey à leur délivrer les licences de pêche nécessaires depuis le Brexit, la sortie de la Grande-Bretagne de l’Union européenne. Les îles de Jersey et Guernesey, bien que situées entre la Normandie et la Bretagne, sont un territoire britannique et donc désormais interdites aux pêcheurs européens, sauf autorisation particulière. Le traité de l’Union européenne avec la Grande-Bretagne prévoyait, selon les négociateurs, d’accorder largement ces autorisations, car les pêcheurs de la Manche, français, belges ou néerlandais, fréquentent depuis toujours les eaux britanniques. Et où donc pourraient-ils pêcher, sinon ?
Mais le Premier ministre britannique, Boris Johnson, avait laissé entendre qu’il réserverait les eaux britanniques aux pêcheurs de son pays. Etant de plus en campagne électorale, Johnson n’était pas mécontent que ses fonctionnaires n’accordent les licences que très lentement, poussant les pêcheurs français à manifester leur colère. Les choses ont même très précisément coïncidé, puisque les pêcheurs ont manifesté devant Jersey le jour du vote, permettant à Johnson de montrer sa détermination en même temps que ses patrouilleurs.
Le gouvernement français n’a pas voulu être en reste. Alors que depuis des décennies les autorités organisent le déclin de la petite pêche, cette fois-ci il a pu se montrer à peu de frais du côté des marins, en faisant sortir un patrouilleur. La ministre de la Mer, Annick Girardin, a même menacé de couper le courant à Jersey, puisque le câble vient évidemment du sol français. Et pourquoi pas organiser le blocus, tant qu’elle y est ?
Le mode de vie et les ressources de milliers de travailleurs de la mer sont menacés par ces stupidités politiques et ces frontières ridicules. Pire encore, les gouvernements, pour des raisons de basse propagande, dressent les travailleurs les uns contre les autres et poussent les feux du nationalisme le plus étroit. Mais où donc sont les frontières entre Roscoff, Saint-Hélier et Granville, et comment distinguer un maquereau anglais d’un maquereau français ?