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Biélorussie : pirates d’État
Le 24 mai, un Mig-29 de l’armée biélorusse a contraint le Boeing du vol Athènes-Vilnius de Ryanair à se détourner vers Minsk. L’opposant Roman Protassevitch et sa compagne, Sonia Sapega, ont été débarqués de l’avion et incarcérés.
Le prétexte des autorités biélorusses, une alerte à la bombe émanant du Hamas, était grossièrement mensonger. L’enlèvement de ce jeune opposant au régime de Loukachenko avait été préparé par les services de sécurité russes et biélorusses.
Roman Protassevitch, 26 ans, est un journaliste animateur de la chaîne en ligne Nexta, l’un des relais de l’opposition au président Loukachenko. Avec cette chaîne, il a pris part à la contestation de sa réélection en août 2020, qui mobilisa des dizaines de milliers de manifestants. Roman Protassevitch, engagé dès 2012 contre le régime, fut arrêté une première fois et passé à tabac. Comme bien d’autres opposants biélorusses, il était exilé en Pologne puis en Lituanie.
Loukachenko ayant placé l’opposant sur une liste de « terroristes » recherchés, il risque à ce titre une condamnation à mort. Peu après son arrestation, le régime a diffusé une vidéo dans laquelle Protassevitch, blême, fait des aveux tout en affirmant qu’il est bien traité. Quelques jours plus tôt, la famille de Vitold Achourak, 50 ans, un autre opposant politique incarcéré en Biélorussie, apprenait sa mort en prison « suite à une crise cardiaque ».
Les dirigeants de l’Union européenne ont annoncé des sanctions contre la Biélorussie de Loukachenko. Ils ont décidé d’interdire l’espace aérien de l’UE aux avions biélorusses, d’interdire à leurs compagnies aériennes de survoler la Biélorussie et de suspendre les vols à destination de Minsk. Ils devraient mettre à l’index quelques dignitaires biélorusses, comme Loukachenko et ses proches le sont depuis l’été dernier.
Les méthodes dictatoriales du régime biélorusse doivent bien sûr être dénoncées, d’abord parce qu’elles sont dirigées contre son propre peuple. Pour autant, les protestations démocratiques des dirigeants occidentaux ne doivent pas faire illusion.
Ceux qui dénoncent avec des trémolos les méthodes de pirates utilisées par Loukachenko sont des experts en la matière. Il faut rappeler comment, le 22 octobre 1956, le gouvernement français détournait un avion de ligne d’Air Maroc qui transportait cinq des principaux dirigeants du FLN pour les arrêter et les emprisonner. Plus récemment, en 2013, sur demande des États-Unis, Hollande et son homologue espagnol avaient refusé que l’avion d’Evo Morales, de retour de Moscou, survole leur espace aérien. En lui imposant une escale à Vienne, ils espéraient pouvoir arrêter le lanceur d’alerte Edward Snowden… qui n’était pas à bord. Les pirates de l’air les plus dangereux sont les pirates des États les plus puissants.