- Accueil
- Lutte ouvrière n°2759
- Mali : dehors, les troupes françaises !
Dans le monde
Mali : dehors, les troupes françaises !
Le 10 juin, Emmanuel Macron a annoncé la fin de l’opération Barkhane au Sahel. Bien sûr, il n’entend pas pour autant mettre un terme à la présence militaire française au Mali, et encore moins en Afrique.
La forme que prendra cette présence sera simplement différente, après huit ans d’une guerre sans issue où l’armée française s’est complètement enlisée. La fin de l’opération devrait s’étaler sur plusieurs années, ce qui laisse à Macron la possibilité d’adapter la présence militaire française à l’évolution de la situation dans les pays concernés, et notamment au Mali. À terme, les 5100 hommes de Barkhane devraient laisser la place aux militaires des forces spéciales et à ceux de la force Takuba, une formation composée de commandos de différents pays européens, si ceux-ci consentent à y envoyer leurs soldats. Les bases françaises au Mali seraient fermées, ce qui n’empêchera pas les bombardiers où les hélicoptères de combat de décoller du Niger ou du Tchad. Selon les chefs militaires, les forces françaises au Sahel devraient encore compter 2 500 hommes à l’issue de cette transformation.
Barkhane avait été lancée en août 2014. Les militaires français débarqués au Mali un an et demi plus tôt prétendaient alors y avoir totalement éradiqué les groupes djihadistes et pensaient pouvoir les empêcher de prendre pied ailleurs, en déployant l’armée française dans d’autres pays du Sahel. Le résultat a été exactement inverse. Des groupes djihadistes sont apparus dans des régions du Mali où ils n’avaient pas encore pénétré et dans des pays jusque-là épargnés, notamment le Burkina Faso, les déstabilisant et plongeant leur population dans la terreur.
Le retrait partiel était une option envisagée depuis maintenant deux ans, affirme aujourd’hui l’état-major, afin de sortir d’une guerre sans issue où tombent de plus en plus de soldats français. Son annonce par Emmanuel Macron, lors de sa conférence de presse du 10 juin, peut cacher bien des arrière-pensées, à commencer par la volonté d’exercer une pression sur les dirigeants maliens. C’est en tout cas à eux qu’il en a fait porter la responsabilité. Il continue à reprocher au président Assimi Goïta, auteur du coup d’État du 24 mai dernier, de ne pas s’engager plus fermement à céder le pouvoir à des civils à l’issue d’élections programmées en février 2022. Comme si le fait d’être un dictateur avait jamais empêché de figurer parmi les protégés de Paris ! Macron affirme aussi : « nous ne pouvons pas sécuriser des régions qui retombent dans l’anomie parce que des États décident de ne pas prendre leurs responsabilités. » L’abandon de tout service public, laissant la population livrée à elle-même, est depuis longtemps un fait avéré, et les dirigeants français n’y ont jamais rien vu à redire tant que le régime au pouvoir à Bamako les servait docilement.
Enfin, et peut être surtout, Macron reproche aux dirigeants maliens issus du coup d’État d’envisager l’ouverture de discussions avec certains chefs djihadistes pour mettre fin au conflit en leur faisant une place autour de la mangeoire gouvernementale. « On ne peut pas mener des opérations conjointes avec des pouvoirs maliens qui décident de discuter avec les groupes qui, à côté de cela, tirent sur nos enfants », a-t-il déclaré. Mais même cette ligne rouge, présentée comme infranchissable, pourrait être effacée si un éventuel partage du pouvoir avec ces groupes aboutissait à un régime allié de la France. Cela importe à Macron bien plus que les conséquences pour les femmes maliennes de la présence de ces djihadistes dans un gouvernement.
Ce retrait en trompe-l’œil permet en tout cas à Macron de ne pas donner aux dirigeants des autres États africains le sentiment qu’il serait prêt à les abandonner à leur sort. Des pays comme la Côte d’Ivoire ou le Sénégal, où sont concentrés les intérêts économique français, sont en effet d’une tout autre importance que le Mali pour l’impérialisme français. En maintenant des troupes importantes, il évite aussi que d’autres puissances viennent occuper une place laissée vacante, comme cela s’est produit en Centrafrique, où les mercenaires russes du groupe Wagner ont aujourd’hui remplacé l’armée française.
Tous ces calculs laissent en tout cas présager de nouveaux maux pour les populations du Sahel. Pour elles, comme pour les travailleurs de France, le retrait immédiat de toutes les troupes françaises d’Afrique doit être une exigence.