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Leur société
Groupe Vivarte : étranglé par la finance
Le groupe d’habillement Vivarte, qui regroupait il y a moins de dix ans encore plus de 20 000 salariés sous de nombreuses enseignes (André, Naf Naf, Chevignon, La Halle…), va vendre la dernière des marques qu’il lui reste, Minelli, puis disparaître.
Cette liquidation progressive d’un des plus grands groupes de ce secteur a été une source d’enrichissement considérable pour de nombreux actionnaires et créanciers. En effet Vivarte a été endetté après avoir été la victime plusieurs fois d’un rachat à effet de levier, un mécanisme financier très lucratif pour les actionnaires mais dévastateur pour les travailleurs. Il consiste pour les futurs actionnaires à acheter une entreprise en empruntant de l’argent, et en mettant la dette sur le compte de l’entreprise rachetée. Les anciens propriétaires y trouvent leur compte, car ils vendent leur entreprise à bon prix, et les nouveaux propriétaires aussi, car ils payent avec de l’argent qu’ils n’ont pas et qu’ils feront rembourser par les travailleurs de l’entreprise rachetée.
En 2004, une première opération de ce type a concerné Vivarte. Les anciens propriétaires, la famille Descours, ont cédé la majeure partie de leurs actions au fonds d’investissement Paribas Affaires Industrielles (PAI Partners). Cela a entraîné un premier accroissement de l’endettement de Vivarte. Puis, en 2007, PAI Partners a revendu toutes ses parts à un autre fonds d’investissement, Charterhouse, encore une fois par une opération à effet de levier. Cette fois-ci, l’opération a été très lucrative pour les vendeurs, qui ont cédé pour 3,2 milliards d’euros une entreprise qu’ils avaient achetée 1,5 milliard trois ans auparavant. En même temps, cela a fait exploser l’endettement de Vivarte, l’élevant à 3,1 milliards d’euros.
Cette dette considérable puis la crise financière de 2008 qui a suivi ont déclenché la marche vers la liquidation. Les actionnaires et les créanciers se sont alors payés en vendant par petits bouts une entreprise endettée mais valorisée à plus de 4 milliards d’euros. Année après année, des marques ont été vendues et des milliers d’emplois supprimés.
En 2016, le dernier PDG de Vivarte, Patrick Puy, spécialiste des liquidations, est arrivé aux commandes avec un programme clair, déclarant : « Survivre, ça veut dire qu’on se sera coupé un bras, une jambe, mais qu’au bout de votre mission l’entreprise pourra continuer. » En 2018, il vendait la marque André au site Internet de vente en ligne Spartoo. Deux ans plus tard, André déposait le bilan et supprimait 600 emplois. En 2020, Patrick Puy restructurait et vendait La Halle. Plus de 2000 emplois disparaissaient.
Aujourd’hui, alors qu’il a coupé les bras, les jambes, la tête et va fermer la boutique, dans une interview à la presse Puy conclut : « Je vais partir avec le sentiment d’avoir fait le job. » Il est certain que les actionnaires peuvent le remercier. Grâce à lui et ses prédécesseurs, ils ont tiré tout le profit qu’ils pouvaient de milliers de travailleurs, au point de faire mourir l’entreprise. Mais qu’importe, du moment qu’ils trouvent un autre endroit où placer leur capital et recommencer ce genre d’opérations.