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Haïti : face à la dictature des gangs
Le texte suivant est tiré du journal La voix des travailleurs du 28 septembre, mensuel édité par l’OIT (Organisation des travailleurs révolutionnaires-UCI).
Officiellement, les gangs ne sont pas encore au pouvoir, mais on n’en est pas loin. Entre-temps, les principaux chefs des bandes criminelles assoient et élargissent leur emprise sur le pays. Ces gangs armés relèguent le gouvernement, avec ses institutions et ses commanditaires du CORE-Groupe, la classe politique et la société civile au rang de faire-valoir, de simples moulins à paroles.
Les bandits armés donnent libre cours à leurs fantasmes, à l’exécution de leurs projets macabres dans la capitale. Réduite à une peau de chagrin, la Police nationale, qui n’a pas devant elle des travailleurs désarmés, encaisse défaite sur défaite. Déjà gangrenée par la corruption, minée par ses contradictions internes, elle n’a jamais été en mesure de livrer bataille aux bandits. Au contraire, les policiers qui n’intègrent pas ces groupes mafieux sont pris pour cibles et assassinés, les commissariats où ils sont affectés sont attaqués partout dans la capitale.
Les forces de l’ordre neutralisées, c’est tout le pays qui risque d’être à la merci des gangs armés. Depuis Martissant et sur une bonne partie à l’entrée sud de la capitale, les bandes armées contrôlent la nationale numéro 2. Pas moins de quatre départements sont régulièrement isolés du reste du pays. C’est pareil du côté nord de la capitale, avec les gangs 400 Mawozo à Croix-des-Bouquets et G9 au niveau de Cité Soleil et Bas-Delmas.
La distribution des produits pétroliers, poumons de la vie économique du pays, est mise à mal. Depuis six mois environ, faire un plein dans une station-service relève du défi. Forts de leur pouvoir de nuisance, ce sont les gangs qui, selon leur bon vouloir, décrètent des cessez-le-feu pour permettre aux hôpitaux de s’approvisionner en carburant, aux ONG d’aller porter secours aux sinistrés du tremblement de terre du 14 août dans le Grand Sud.
Parallèlement au délitement de l’État, les gangs consolident leurs bases, accaparent de nouveaux territoires, recrutent de nouveaux jeunes, se dotent d’armes sophistiquées. Pour financer leur déploiement, en plus de l’argent venant des kidnappings, des trafics d’armes et des stupéfiants, les gangs rançonnent les petits marchands, les petits entrepreneurs.
Les habitants des quartiers, sous la férule des gangs armés, sont surveillés. Ils sont obligés de prêter allégeance aux bandits, sous peine d’être considérés comme des ennemis, donc en attente de se faire tuer. Ce processus continue et se met en place un peu partout, quartier après quartier, d’une ville à une autre, parfois avec la complicité des politiciens au pouvoir ou de l’opposition.
Mais, en dépit de leur férocité et de la terreur qu’ils font régner sur la population, ces nouveaux tontons-macoutes ne sont qu’une minorité. Comme par le passé, ils ne pèseront pas grand-chose devant la révolte de toute une population qui, déterminée, voudra retrouver sa liberté et sa tranquillité de vie.