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Chine : les esclavagistes et leurs commanditaires
Des vidéos montrant des centaines d’ouvriers, femmes et hommes, escaladant les grilles pour fuir la zone industrielle Foxconn de Zhengzhou (dans la province du Hunan) et rentrer chez eux à pied ou en stop, ont fait le tour des réseaux sociaux chinois.
Les principales usines du taïwanais Foxconn, qui assemble des ordinateurs et des smartphones pour Apple, Dell, HP et autres firmes, sont installées en Chine, notamment à Shenzhen et à Zhengzhou, et en Inde. La zone de Zhengzhou concentre plus de 200 000 travailleurs. C’est là qu’est assemblé en majorité le dernier modèle d’Apple, l’iPhone 14.
À Zhengzhou, des cas de Covid ont été dépistés mi-octobre et la direction de Foxconn et son donneur d’ordres, Apple, craignaient l’arrêt de la production, à quelques semaines des fêtes de fin d’année, quand l’iPhone 14 est supposé se vendre comme des petits pains. Pour réduire la contagion sans arrêter les lignes, la direction a isolé la zone, organisé des circuits stricts pour les déplacements, imposé des tests biquotidiens, fermé les cantines, obligé les ouvriers à manger dans les dortoirs, en oubliant parfois de livrer la nourriture. La hiérarchie n’informe pas des cas positifs et laisse les malades à l’isolement total, sans suivi médical.
C’est ce mépris qui a fait exploser la colère et poussé des centaines de travailleurs à s’enfuir pour regagner leurs villages, parfois à 100 ou 150 kilomètres. Ils ont trouvé la solidarité de riverains, qui laissent eau et nourriture au bord de la route « pour les ouvriers de Foxconn qui rentrent à la maison », et de camionneurs qui les prennent en auto-stop, malgré les risques d’être eux-mêmes placés en quarantaine.
Depuis leur construction au début des années 2000, les usines chinoises de Foxconn sont des bagnes industriels dans lesquels capitalistes occidentaux, taïwanais et chinois exploitent conjointement des centaines de milliers de travailleurs. Cette complicité permet de juger les discours des dirigeants occidentaux sur la dictature du régime chinois, qu’ils opposent à la démocratie taïwanaise. Souvent très jeunes, la moitié des ouvriers sont des intérimaires ou des « migrants de l’intérieur », sans contrat fixe. Logés sur place dans des dortoirs, (mal) nourris dans les cantines de l’usine, ils travaillent 10 à 12 heures par jour, six jours par semaine, respirent des vapeurs dangereuses, pour un salaire mensuel de 400 à 500 euros. En 2010, une vague de suicides à l’intérieur de la zone de Zhengzhou avait entraîné des manifestations de colère dans plusieurs villes de Chine. En toute hypocrisie, Apple s’était retranché derrière le code de conduite que doivent signer tous ses fournisseurs, tandis que Foxconn avait installé des filets anti-suicide autour des bâtiments !
Cette fois-ci, la fuite des ouvriers, très relayée sur les réseaux sociaux avant que la censure ne sévisse, et le soutien reçu de la part de la population, ont fait craindre aux dirigeants de Foxconn et d’Apple que le mouvement ne s’amplifie et que les lignes ne s’arrêtent. Ils ont annoncé le versement d’une prime de 55 euros par jour à tous les ouvriers présents entre le 19 octobre et le 11 novembre, et la garantie de pouvoir quitter librement l’usine.