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- Lutte ouvrière n°2839
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Dans le monde
Zelensky à Washington : cajoleries et rappel à l’ordre ?
Zelensky s’était déjà adressé en visio au Congrès américain. Lors de sa visite aux États-Unis, le 22 décembre, il a pu le faire directement, dans un étalage d’embrassades et d’assurance d’un soutien indéfectible de la part de Biden, de drapeau ukrainien agité à la tribune par sa présidente et par la vice-présidente des États-Unis durant l’allocution.
En prime, Zelensky a eu l’annonce que Washington lui livrera des missiles Patriot et le vote, par le Congrès, de 45 milliards d’aide militaire américaine supplémentaire à l’Ukraine.
On ne sait pas s’il s’agit là d’une décision ferme ou d’une simple promesse, ni si les équipements voulus arriveront avec les Patriot, les dirigeants américains entretenant le flou à ce sujet et sur bien d’autres questions. Mais, ils ont « fait le show ». Et Zelensky a pu s’en retourner à Kiev auréolé d’une visite d’État que les médias du monde entier ont présentée comme une réussite.
C’était pour lui l’essentiel : la posture de chef de guerre inflexible qu’affecte Zelensky s’en trouve confortée, en tout cas, vis-à-vis de la partie la plus nationaliste de l’opinion publique et surtout de l’appareil d’État, sur lesquels s’appuie toute sa politique.
Mais, comme dans toutes les opérations de communication, derrière ce que l’on montre, il y a ce qui s’est tramé en coulisses. Et ce n’est pas le moins important, même si cela doit rester caché au grand public, ukrainien, américain et autre. Rien n’a filtré des discussions « off » entre Zelensky et ses hôtes. Mais on imagine sans peine qu’elles n’ont pas été aussi consensuelles que ce que l’on voudrait faire croire. Poutine s’en doutait, qui a saisi l’occasion de se dire « prêt à négocier avec tous les participants à ce processus (la guerre) pour obtenir des résultats acceptables ».
Là aussi, il y a une opération de communication du chef du Kremlin, mais peut-être pas seulement. En effet, la déclaration de Poutine vient en écho à des propos publics du chef d’état-major américain suggérant à ses alliés ukrainiens d’entamer des négociations, alors que des émissaires de la Maison-Blanche et du Kremlin semblent se rencontrer régulièrement à ce sujet.
Tout se passe comme si, du côté américain, certains faisaient pression sur Zelensky pour qu’il ne fasse plus du retour du Donbass et de la Crimée, annexés par Moscou, un préalable à des négociations. En tout cas, aux États-Unis des voix se font entendre qui plaident que cela éviterait à Poutine de perdre la face dans cette guerre, et par là même de voir son pouvoir contesté en haut lieu. Poutine trop affaibli, le Kremlin risquerait d’être incapable de tenir son rôle de gardien de l’ordre mondial dans sa zone. C’est un scénario catastrophe que les dirigeants américains ne souhaitent pas voir se concrétiser.
Cela n’empêche pas l’impérialisme américain de profiter de l’occasion que Poutine lui a fournie, avec sa guerre sans victoire, de réaffirmer à la face du monde que les États-Unis restent l’ordonnateur et le gendarme suprême. En même temps, il ne faudrait pas que Zelensky pousse les feux de la guerre au-delà de ce que ses tuteurs souhaitent à l’étape actuelle. C’est sans doute pour le lui dire de vive voix que les dirigeants américains l’avaient invité, sinon convoqué à Washington.
Que Zelensky ne veuille ou ne puisse pas l’entendre – après tout, lui aussi risque sa place selon ce que sera l’issue de la guerre – n’est pas le premier des soucis de ses parrains occidentaux et américains. C’est pourquoi ils alternent avec Zelensky pressions et calinothérapie, pendant que les civils ukrainiens continuent de geler littéralement, et les soldats russes et ukrainiens de périr au front.