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Leur société
Macron stratège : petite politique et grandes manœuvres
Le 8 avril, au retour de son déplacement en Chine, Macron a livré à la presse sa conception de « l’autonomie stratégique européenne ». Il s’agit de rien de moins que de constituer l’Union européenne en troisième pôle, capable de s’imposer entre la Chine et les États-Unis.
L’idée aurait déjà triomphé, sous-entendu grâce au président français, et il ne resterait plus qu’à la concrétiser, ce qu’il se fait fort de réussir dans les meilleurs délais. S’affirmant « allié des États-Unis, mais pas aligné », Macron évoque la concurrence économique généralisée et la nécessité de passer à une économie de guerre. Il plaide donc pour une intégration plus poussée de l’industrie militaire européenne et pour des mesures capables de faire rester en Europe les capitalistes attirés par les subventions américaines. L’ancien banquier, le président des riches et fidèle serviteur du capital va même, dans ce discours aérien, jusqu’à contester la suprématie absolue du dollar dans les échanges internationaux.
Cette sortie contre le roi-dollar et le grand frère américain est essentiellement verbale car Macron, représentant d’un impérialisme de second rang dans un monde en crise est un peu fluet pour le costume de Charlemagne et même pour la vareuse du général de Gaulle.
On a d’ailleurs pu très vite mesurer ce que valent les prétentions de Macron à être la voix d’un pôle européen et à incarner une diplomatie française de grand style. À peine l’avion présidentiel français avait-il décollé de Canton, à peine l’écho de ses discours était-il éteint, la marine chinoise faisait route vers Taïwan. Le bras de fer sino-américain se poursuit et l’Europe, pour ne pas parler de la France, y fait tout juste de la figuration alors même qu’il menace de se transformer en une guerre où elle serait forcément impliquée. Macron s’est pourtant vanté d’avoir convaincu Xi Jinping, mais de quoi ?
Les propos du président français sur la défense européenne et l’intégration de l’industrie d’armement sont tout aussi vides. Chaque État européen réserve ses crédits militaires à ses industriels nationaux. Les fabrications communes, dans l’aviation, les blindés ou le maritime sont à l’état de projets depuis des années, si ce n’est des décennies. Sur les marchés européens et mondiaux, les chars allemands Leopard sont en concurrence avec les Leclerc, les frégates de Thales-DCN avec celles de Fincantieri, les avions Rafale avec ceux d’Eurofighter, etc. De plus, lorsqu’un pays de l’Union européenne importe un armement, il choisit le plus souvent le matériel américain, ne serait-ce que pour des questions de compatibilité entre armées de l’OTAN. Les bourgeoisies européennes, calfeutrées derrière leurs États nationaux et leurs rentes de situation, écrasées par la puissance américaine, sont incapables d’unifier le continent, ni pour le meilleur, l’abolition des frontières, ni pour le pire, la puissance militaire. Le président français le sait bien d’ailleurs, qui veut consacrer 413 milliards d’euros à l’armée nationale dans les cinq ans qui viennent, sans un regard, un sou ou une cartouche vers une fantomatique armée européenne.
La mise en scène de Macron et ses déclarations sont peut-être un geste en direction de la Chine, un remerciement pour les marchés conclus ou une promesse pour de futurs accords, mais elles sont quasiment sans conséquence dans les rapports de force mondiaux. Les postures de ce président, d’autant plus prétentieux en politique étrangère qu’il est contesté et impopulaire à domicile, pourraient prêter à sourire. Mais la montée du militarisme, la mise en place d’une économie de guerre, les tensions croissantes sur la scène internationale sont bien réelles. Sous son gouvernement, l’État prépare l’armée, l’industrie et l’opinion à un conflit généralisé, dans lequel le petit impérialisme français seconderait le grand impérialisme américain. Aux travailleurs de ne pas se laisser embrigader !