Gomme arabique : un exemple de pillage21/09/20232023Journal/medias/journalnumero/images/2023/09/2877.jpg.445x577_q85_box-0%2C104%2C1383%2C1896_crop_detail.jpg

Dans le monde

Gomme arabique : un exemple de pillage

Le groupe Nexira, une PME de 250 salariés dont le siège est à Rouen, produit, sous forme de poudre, l’additif alimentaire désigné par le code E414. Il l’exporte vers 80 pays et réalise un bénéfice de 14 millions d’euros.

Le 6 septembre, le journal télévisé de France 2 montrait l’usine de Serqueux, en Seine-Maritime, et remontait jusqu’à l’origine de la matière première, la sève d’acacia plus connue comme gomme arabique. Certaines propriétés de cette sève sont connues depuis l’Égypte antique, et l’agro-alimentaire moderne, comme la cosmétique et la peinture, l’utilisent en quantité industrielle comme émulsifiant ou épaississant. On la trouve aujourd’hui dans les boissons gazeuses, les chewing-gums, les confiseries, les médicaments, etc. Le groupe Nexira, et son voisin normand, le groupe Alland et Robert, qui détient deux usines près de Gaillon, se partagent 65 % d’un marché mondial de quelque 100 000 tonnes annuelles de gomme arabique. Ce volume a triplé ces trente dernières années et les deux firmes ont investi les créneaux porteurs des compléments alimentaires et du bio.

L’envers du décor, c’est qu’un million de travailleurs au Soudan font sept ou huit récoltes annuelles de sève, sous des températures de 40° C, tandis que les femmes, assises par terre, trient à main nue les billes ou boules de sève et en enlèvent les déchets… pour 65 euros par mois. Deux tiers de la production de la sève d’acacia sont réalisés au Soudan, même si ces derniers mois les exportations sont perturbées par la guerre. Le Tchad, où un demi-million de familles en vivraient, est également un gros producteur, ainsi que d’autres pays du Sahel. La gomme est vendue 0,80 euro le kilo aux firmes françaises.

Le pillage de cette matière première est ancien. Dès 1786, la Compagnie coloniale privée dite de Rouen, qui commerçait avec les côtes de l’actuel Sénégal, changea son nom en Compagnie de la traite de la gomme, des noirs, de l’or et de la cire à la faveur du monopole royal octroyé sur ces marchandises. À l’époque, les négociants et armateurs du Havre qui décrochèrent ce monopole vendaient la sève d’acacia à l’industrie textile pour fixer les couleurs. Et les deux entreprises normandes actuelles, exerçant elles aussi un quasi-monopole, font toutes deux remonter leur origine à 1885, période de conquêtes coloniales frénétiques.

D’hier à aujourd’hui, de Normandie et d’ailleurs, le pillage impérialiste se poursuit.

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