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- Lutte ouvrière n°2898
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Dans les entreprises
Salariés agricoles : les ouvriers de la terre face aux patrons de l’agriculture
Parmi les mesures de « simplification » négociées entre la FNSEA et le gouvernement après le mouvement des agriculteurs, certaines concernent les salariés du secteur agricole, mais le moins que l’on puisse dire est qu’elles ne sont pas en leur faveur.
Attal a ainsi annoncé le 1er février qu’il allait « lancer un chantier sur la simplification du droit du travail, par exemple une plus grande automaticité des dérogations à la durée légale du travail pendant les périodes de moissons. »
Il s’est aussi engagé à pérenniser un dispositif concernant le travail saisonnier en agriculture. Celui-ci permet à un agriculteur de bénéficier de l’exonération de cotisations patronales de Sécurité sociale sur les bas salaires (jusqu’à 1,25 smic) quand il embauche un travailleur saisonnier. C’est un cadeau direct fait aux patrons de l’agriculture, dont certains ne sont vraiment pas à plaindre, mais aussi une incitation à maintenir les salaires très bas.
Effectivement, beaucoup d’ouvriers agricoles ne gagnent guère plus que le smic pendant toute leur carrière. Bien des saisonniers sont soumis au régime des contrats Tesa (titre emploi simplifié agricole) : ils multiplient les CDD n’excédant pas trois mois, sans prime de précarité.
Sous prétexte de compétitivité, il est aussi question de reconnaître le secteur agricole comme un secteur de « métiers en tension », notamment pour accorder des visas de travailleurs saisonniers à des étrangers, qui sont nombreux dans les vignes, l’arboriculture ou le maraîchage. Cela ne peut que fragiliser un peu plus ces travailleurs étrangers face à leurs patrons, alors qu’ils vivent déjà des situations d’exploitation féroce et dans des conditions de travail et d’hébergement indignes, qui font scandale régulièrement. On l’a vu avec les décès dus aux fortes chaleurs l’été 2023 en Champagne parmi les travailleurs faisant les vendanges
Ces conditions indignes ne concernent pas que les travailleurs étrangers. Les salariés employés pour les vendanges, la cueillette des légumes et des fruits, ainsi que les bergers, dénoncent les hébergements dans des caravanes ou des cabanes, le manque d’eau potable, d’électricité et de chauffage, de toilettes accessibles. Les ouvrières des champignonnières racontent des conditions de travail dignes des usines du 19e siècle, avec par exemple l’interdiction d’aller aux toilettes.
Pendant leur mouvement, les agriculteurs exploitants mettaient en avant leur rôle crucial dans la production de nourriture. Mais les salariés de ce secteur sont tout aussi indispensables.
Même les exploitants agricoles dans les grandes cultures ou l’élevage, qui travaillent le plus souvent seuls, font de plus en plus appel à des salariés d’entreprises de travaux agricoles ou de Cuma (coopératives d’utilisation de matériel agricole) pour les travaux spécifiques, comme la moisson. Évoquant les tracteurs qui sont devenus l’emblème du mouvement des paysans, un salarié du secteur faisait d’ailleurs remarquer que ce sont souvent des salariés agricoles qui les conduisent, en particulier dans les grandes exploitations.
Alors que les chefs d’exploitation agricole sont environ 400 000, l’agriculture compte un million de salariés saisonniers selon l’ANEFA (Association nationale paritaire pour l’emploi et la formation en agriculture), qui effectuent un tiers du volume total du travail. Il faut leur ajouter 173 000 salariés agricoles permanents « non familiaux », un nombre en augmentation du fait de l’agrandissement de la taille des exploitations. Avec les 440 000 ouvriers de l’industrie agroalimentaire, ces travailleurs représentent une réelle force sociale. La lutte pour leurs intérêts en tant que travailleurs offrirait une tout autre perspective aux petits paysans que celle des capitalistes de la terre représentés par la FNSEA.