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Dans le monde
Chine-Japon : regain de tension
Depuis plusieurs jours, la presse multiplie les reportages illustrant les tensions croissantes entre le Japon et la Chine, et présente cette dernière comme une menace.
Ce regain de tensions date de début novembre, quand la nouvelle Première ministre japonaise Sanae Takaichi a expliqué qu’une éventuelle opération militaire chinoise contre Taïwan constituerait une « menace existentielle » pour le Japon et pourrait donc justifier une intervention des troupes nippones, censées depuis 1945 n’être que des « forces d’autodéfense ».
Sanae Takaichi a tenu de tels propos pour affermir sa position politique au Japon même. Mais si elle s’est servie de Taïwan, c’est que cette île, à 120 kilomètres du Japon, est depuis longtemps au cœur des rivalités entre les puissances de la région. Quand, en Chine, on évoque le Japon, tout un passé de colonisation et de massacres refait surface. Ainsi, c’est après une défaite militaire de la Chine face au Japon en 1895 que Taïwan devint pendant cinquante ans une colonie nippone. Les révoltes anticoloniales furent nombreuses et la répression japonaise féroce. L’un de ces massacres coloniaux fut, en 1930, celui de plusieurs milliers d’aborigènes de Taïwan, une des ethnies de l’île, l’armée japonaise coupant des têtes par centaines et usant d’armes chimiques. En 1937, les troupes japonaises envahirent la Chine continentale, où elles multiplièrent les exactions sur les populations. Cette occupation dura jusqu’à la défaite en 1945 de l’armée japonaise par les troupes nationalistes du Kuomintang alliées à celles du Parti Communiste chinois de Mao et soutenues par l’armée américaine. C’est à cette date que le Japon évacua Taïwan.
En 1949, défait par les armées de Mao et la révolte paysanne, le Kuomintang, ce parti honni de massacreurs d’ouvriers et de paysans, trouva refuge à Taïwan. Soutenu par l’impérialisme américain, il put faire sécession de la Chine continentale. La petite Taïwan de 20 millions d’habitants fut alors la seule Chine reconnue par l’Occident. Quand, dans les années 1970, l’impérialisme américain renoua avec Pékin, un statu quo s’élabora : l’impérialisme reconnaissait, sur le papier, que Taïwan et la Chine continentale n’étaient qu’un seul pays, que Taïwan n’était pas indépendante, mais Pékin tolérait qu’elle le soit de fait.
Depuis, quand l’impérialisme occidental veut faire monter la pression contre Pékin, il met en avant la question de la reconnaissance officielle de Taïwan. En retour, Pékin n’hésite pas à faire vibrer la corde nationaliste dans sa population en menaçant Taïwan. Mais le régime de Pékin n’est jamais allé au-delà des déclarations et des manœuvres militaires parce que, en face de lui, il n’a pas seulement Taïwan, mais l’armée américaine, ses porte-avions et ses bases. Derrière ces forces se profilent celles des alliés des États-Unis, le Japon, les Philippines, la Corée du Sud, et même dans une certaine mesure la France, l’Australie, le Royaume-Uni, qui participent régulièrement aux manœuvres navales dans la région. L’impérialisme occidental ainsi rassemblé entend bien que ses intérêts et ses positions ne soient pas remis en cause par une Chine dont la puissance monte.
Profitant de l’occasion, Pékin a répondu aux propos de la Première ministre japonaise que « quiconque osera entraver l’unification de la Chine se heurtera à une riposte cinglante ». Mais, concrètement, le régime chinois n’a pu que se lancer dans de nouvelles manœuvres militaires en mer de Chine et s’en prendre à quelques artistes japonais dont il a interdit le spectacle, ainsi qu’aux fruits de mer nippons, interdits d’importation.
La mer de Chine et la question de Taïwan font partie de ces points chauds soigneusement entretenus par l’impérialisme occidental depuis des décennies pour maintenir sa domination. Faire passer la Chine pour l’agresseur comme le fait la presse occidentale fait partie d’une politique consistant à conditionner les populations contre le nouveau concurrent et potentiel ennemi chinois.