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Leur société
Conseil constitutionnel : le garant du droit des puissants
Une nouvelle question agite le monde de la politique : Richard Ferrand est-il digne d’être nommé président du Conseil constitutionnel ?
Pour Macron, qui l’a désigné pour le poste, et sa cour, la messe est dite. Richard Ferrand est digne de tous les honneurs et apte à toutes les charges pour la simple et excellente raison que c’est un ami fidèle du Président. C’est même un de ceux qui ont contribué, il y a bientôt dix ans, à le fabriquer et à le propulser vers l’Élysée. Pour les opposants, non seulement Ferrand n’a aucune compétence pour se prononcer en droit sur les lois, ce qui est l’occupation habituelle dudit Conseil, mais il traîne derrière lui une casserole judiciaire du plus mauvais effet.
En revanche, tous sont d’accord pour dire qu’il s’agit d’une nomination politique. Le Conseil constitutionnel aura en effet rapidement à se prononcer sur de délicats dossiers qui tournent autour de la possible accession au pouvoir de Marine Le Pen et de son parti. Le Pen pourra-t-elle être candidate si elle est condamnée pour des emplois fictifs au Parlement européen ? Les projets de loi du RN sur l’immigration sont-ils constitutionnels ? Peut-on organiser un référendum à ce propos ? Et, s’interrogent la gauche et ses relais médiatiques, le Conseil constitutionnel protégera-t-il la population contre les mesures d’un éventuel gouvernement RN en les déclarant illégales ?
Avec ou sans Ferrand, le Conseil constitutionnel n’épargnera aucun mauvais coup aux travailleurs, toute son histoire le montre. En avril 2023, cette institution a validé le passage de l’âge de la retraite de 62 à 64 ans, repoussant tous les arguments juridiques avec lesquelles députés de gauche et confédérations syndicales prétendaient défendre les travailleurs. Les prétendus sages et leur président, le socialiste Fabius, étaient même alors présentés comme le dernier espoir alors que les manifestations n’avaient pas suffi à faire reculer le gouvernement. Il est vrai que, en janvier 2024, ces mêmes juristes ont rejeté une partie des dispositions de la loi immigration de Macron et Darmanin. Mais ce n’était que partie remise du point de vue législatif et cela n’a pas empêché le rouleau compresseur xénophobe d’avancer et l’État de prendre mille et une mesures contre les immigrés et les sans- papiers.
Ce Conseil, comme toute la Constitution de 1958 qu’il est censé défendre, est, sous ses dehors d’impartialité juridique, à l’image de l’indépendance de l’État par rapport à la population et même par rapport aux élus, pourtant triés sur le volet, qui parviennent au Parlement. Il peut défaire les lois votées par les députés. Il peut imposer des lois, même lorsqu’elles ne sont pas votées, même lorsqu’elles sont manifestement rejetées par l’écrasante majorité de la population. Il peut aussi s’asseoir sur la loi, comme il l’a fait par exemple en 1995. Le Conseil constitutionnel avait alors approuvé les comptes de campagne présidentielle des candidats Chirac, élu, et Balladur, alors qu’ils étaient abondés par des millions de francs d’origine inconnue et crevaient tous les plafonds de dépenses légaux. Mais, d’après le président du Conseil de l’époque, le socialiste Roland Dumas, rejeter les comptes et donc l’élection aurait nui à l’ordre public.
Loin d’être une garantie démocratique, le Conseil et toute la Constitution se veulent, et sont, une garantie de la permanence du pouvoir de l’État et, au-delà de lui, de la classe dominante. C’est bien pourquoi dire comme le faisait la CGT en 2023 à propos de la réforme des retraites et comme le prétendent encore aujourd’hui les partis de la gauche de gouvernement, que « le Conseil constitutionnel […] est garant du respect des droits et libertés fondamentaux des citoyen.ne.s » est une mauvaise plaisanterie.