Maroc : derrière la fête du football24/12/20252025Journal/medias/journalnumero/images/2025/12/une_2995-c.jpg.445x577_q85_box-0%2C7%2C1262%2C1644_crop_detail.jpg

Dans le monde

Maroc : derrière la fête du football

La coupe d’Afrique des nations de football, (CAN) que le Maroc accueille depuis le 21 décembre, intervient deux mois après la révolte d’une jeunesse qui dénonçait le délabrement du système de santé et d’éducation.

Le mouvement de la jeunesse brisait ainsi l’image d’un pays moderne, vantée par la monarchie et que l’organisation de la CAN est censée accréditer.

Elle était descendue dans la rue fin septembre, au cri de « On veut des hôpitaux et pas des stades », après la mort en une semaine de huit femmes ayant accouché par césarienne, dans l’hôpital d’Agadir. Ces décès, dans un établissement dépourvu de moyens, avaient d’autant plus choqué que, en à peine quatre ans, deux milliards d’euros ont été dépensés pour rénover ou construire des stades ultramodernes. Avec 115 000 places, celui de Casablanca, prévu pour la future coupe du monde de 2030, sera le plus grand du monde.

Les manifestations appelées par le mouvement « GenZ 212 », né sur le réseau social Discord, ont été quotidiennes durant deux semaines, révélant les inégalités sociales et la corruption qui gangrènent toute la société marocaine. Tout en réclamant le départ du Premier ministre Aziz Akhanouche accusé de népotisme, les jeunes en appelaient avec respect à l’arbitrage du roi. Mais, à deux mois de la CAN, il n’était pas question pour lui de laisser s’installer la contestation.

La réponse du régime, pris de court, a été aussi féroce que rapide. Une répression brutale s’abattit sur des manifestants pacifiques, provoquant trois morts et de nombreux blessés. Des milliers de jeunes, en majorité mineurs, furent arrêtés. Des peines allant jusqu’à 15 ans de prison ont été prononcées. Si 3 300 jeunes ont été libérés, 2 480 ont été poursuivis, 950 sont en liberté provisoire et 1 500 sont toujours en détention.

Le 10 décembre, dans au moins huit villes du pays, des centaines de jeunes ont courageusement répondu à l’appel à manifester du mouvement « GenZ 212 » pour apporter leur soutien aux détenus et exiger leur libération. De nouvelles arrestations ont eu lieu.

La question posée est aussi celle de la situation sociale. La croissance qu’affiche l’économie marocaine laisse en fait la majorité de la population sur le carreau. Non seulement le chômage frappe un tiers de la jeunesse mais le pouvoir d’achat s’est effondré et la misère s’étend. Des routes ont été construites pour la CAN et la Coupe du monde, des aéroports ont été rénovés, des logements ont été construits pour accueillir les équipes et les supporters mais les sinistrés du tremblement de terre de 2023 vivent toujours dans des conditions précaires.

À Fès, le 9 décembre, l’effondrement de deux immeubles construits de manière anarchique a provoqué la mort de 22 personnes et fait de nombreux blessés. Le 14 décembre, les inondations qui ont ravagé la ville de Safi sur la côte Atlantique ont ravivé le sentiment d’injustice. En effet, c’est dans des zones non aménagées, où vivent des populations pauvres, loin des centres de santé et de secours, qu’on relève la plupart des 37 morts recensés à ce jour.

Derrière la vitrine d’un Maroc moderne capable d’organiser des événements sportifs internationaux, se cachent des inégalités sociales grandissantes, la marginalisation de régions entières. L’organisation de la CAN permet momentanément à la monarchie marocaine de créer un sentiment d’unité nationale et de faire diversion au mécontentement. Mais les raisons qui ont poussé la jeunesse à la révolte sont toujours présentes, annonçant immanquablement d’autres explosions.

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