Mercosur : postures hypocrites et rapports de force20/11/20242024Journal/medias/journalnumero/images/2024/11/une_2938-c.jpg.445x577_q85_box-0%2C7%2C1265%2C1644_crop_detail.jpg

Leur société

Mercosur : postures hypocrites et rapports de force

Rejeté par les syndicats d’agriculteurs, dénoncé par tous les partis, de LFI et du PCF jusqu’au RN, et maintenant critiqué par Macron et Barnier, le traité de libre-échange entre l’UE et les pays du Mercosur est accusé de tous les malheurs du monde.

Cette charge unanime contre un accord commercial en discussion depuis 1999, finalisé en 2019 et pas encore ratifié par l’Union européenne (UE) est une posture hypocrite et un écran de fumée pour détourner la colère vers des voies de garage.

Le Mercosur est le marché commun entre le Brésil, l’Argentine, le Paraguay, l’Uruguay et plus récemment la Bolivie. Il est en quelque sorte l’équivalent sud-américain de l’Union européenne. Comme tous les accords de libre- échange, celui négocié entre l’UE et le Mercosur prévoit la suppression des barrières douanières pour favoriser le commerce. Comme tous les accords, il est établi sur la base d’un rapport de force qui fait des gagnants et des perdants. Les gagnants sont toujours les capitalistes les plus puissants tandis que les perdants sont les petits producteurs de part et d’autre de l’Atlantique.

Il faut une bonne dose de mauvaise foi pour présenter les pays européens, dont la France, comme victimes de ces longues tractations avec des pays dominés depuis des siècles par les puissances impérialistes. Si ce traité est ratifié, Volkswagen, Renault, Bayer, Solvay, Sanofi ou Merck pourront vendre plus facilement leurs automobiles, ou leurs produits chimiques et pharmaceutiques sur le vaste marché sud- américain.

Les éleveurs, relayés par les politiciens de tout bord pour qui le protectionnisme est devenu l’alpha et l’oméga, dénoncent l’invasion possible du marché européen par des bœufs argentins ou brésiliens, élevés à bas coût sur de vastes surfaces obtenues par la destruction de la forêt amazonienne et en ayant recours aux antibiotiques. Les producteurs de volailles, de sucre ou encore d’huile – dont fait partie Arnaud Rousseau, président de la FNSEA et patron du groupe Avril – sont vent debout contre ce traité qui favorise leurs concurrents brésiliens et argentins. Mais à l’inverse, les exportateurs de vins et spiritueux, les céréaliers ou les entreprises de l’agroalimentaire, grandes exportatrices comme Lactalis ou Danone, se réjouissent de pouvoir accéder à un marché plus ouvert.

Les dirigeants politiques au pouvoir ne cessent donc de se contorsionner entre ces intérêts contradictoires, négociant l’abaissement de certains droits de douane en coulisse et dénonçant le libre-échange en public. Ainsi Macron déclarait en 2019 : « Cet accord est bon pour nos entreprises et nos emplois. » Il affirme aujourd’hui que « la France ne le signera pas en l’état », ce qui ne l’engage à rien.

Quant aux travailleurs, aux consommateurs, aux petits producteurs, ils n’ont rien à gagner à choisir entre le libre-échange et le protectionnisme. Que les frontières soient ouvertes ou fermées, s’ils ne s’organisent pas eux- mêmes face aux capitalistes, les travailleurs seront pressurés pour être toujours plus productifs ; les consommateurs des classes populaires paieront toujours plus cher leur nourriture ou leur voiture, qu’elles viennent du Cantal ou du Brésil, de l’Île-de-France ou de Roumanie ; et les petits producteurs seront poussés vers la faillite, étranglés d’abord par Lactalis, Carrefour ou le Crédit Agricole.

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