Naufrage en mer du Nord : tout sauf imprévisible12/03/20252025Journal/medias/journalnumero/images/2025/03/une_2954-c.jpg.445x577_q85_box-0%2C7%2C1262%2C1644_crop_detail.jpg

Dans le monde

Naufrage en mer du Nord : tout sauf imprévisible

Lundi 10 mars au matin, le Solong, porte-conteneurs de 140 mètres, a éperonné le Stena Immaculate, navire ravitailleur de kérosène de 183 mètres, à l’ancre devant l’estuaire de Humber, au nord-est de l’Angleterre. La collision a coûté la vie à au moins un marin et en a blessé trente-deux.

L’accident a déclenché un incendie, toujours incontrôlé mardi 11, une fuite de kérosène en quantité inconnue, le déversement dans la mer de tonnes d’alcool et de cyanure de sodium transportées par le Solong, entraînant un dégagement de gaz toxique. Cela augure, une fois de plus, d’une pollution maritime majeure. Les autorités et les armateurs des deux navires n’ont pour l’instant aucune explication sur les causes de l’accident mais assurent que toute la lumière sera faite.

En théorie, dans une zone aussi fréquentée que la mer du Nord, les navires sont contraints de suivre des routes définies, de stationner dans des zones précises et sont suivis en permanence sur les radars des services dédiés. En théorie également, les équipages sont censés faire une veille radar et visuelle permanente, avoir le matériel et la disponibilité pour assurer ce travail indispensable de sécurité. En théorie toujours, les navires sont inspectés régulièrement et doivent être en état de naviguer.

En pratique, l’administration britannique ne savait pas mardi 11 si le Stena Immaculate était à l’ancre au bon endroit, ni si le Solong était dans son couloir de navigation. L’armée américaine, qui affrète le Stena Immaculate, n’est pas obligée de contrôler son état, alors qu’un ravitailleur de carburant est par nature une bombe flottante. La dernière inspection du Solong, en juillet 2024, avait relevé onze manquements aux règlements, y compris de sécurité, sans toutefois le retenir au port. En effet, si les inspections de sécurité sont rares, elles ont encore plus rarement de conséquences.

Le matin même du naufrage, paraissait l’énième rapport sur les conditions de travail des équipages de la marine marchande. Il montre, une fois de plus, le sous-effectif permanent, la fatigue chronique des marins, le dépassement habituel des horaires de travail et le trucage systématique des livres de bord de façon à masquer tout cela. Ces conditions de travail sont en théorie soumises à une convention internationale. Elle stipule qu’un marin ne peut pas travailler plus de 14 heures par jour ni plus de 72 heures en 7 jours, qu’il doit avoir six heures de repos entre deux périodes de travail et que ce repos ne doit pas être trop fréquemment interrompu par des exercices de sécurité. Cet horaire est appliqué durant la durée de l’embarquement, douze mois voire plus si nécessité, sans mettre pied à terre.

C’est donc ce règlement digne d’un bagne que les armateurs contournent, prenant en toute connaissance de cause le risque de faire travailler des marins épuisés sur des navires en mauvais état. Et il y a des gens pour se demander d’où viennent les naufrages.

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